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autre martyr comme saint Calixte ! Il aurait osé écrire d’un pape qu’il avait passé de l’erreur de Sabellius à celle de Novatus, et ces deux habitans des catacombes sortiraient après seize siècles de leurs tombeaux pour proclamer la division au cœur même de la catholicité, au centre même de l’unité, et la constater dans ces temps bénis de la primitive église, cités souvent comme l’âge d’or de la religion ! Bunsen est, comme on le pense bien, fort à son aise au milieu de ces démêlés des premiers docteurs chrétiens : il y voit pour ainsi dire le droit commun du christianisme, que la critique allemande ne soustrait pas à la loi générale du développement historique, à cette double condition de toute chose sur la terre, unité et diversité ; mais on conçoit que tout le monde ne peut avoir ses coudées aussi franches, et de plus timides ont grand besoin d’incidenter soit sur l’origine du traité des hérésies, soit sur le rôle et les qualités de saint Hippolyte, soit sur l’identité de tous les Hippolytes cités par les auteurs, et le débat n’est pas près d’être vidé. Les bonnes âmes s’en tireront en disant, comme font d’ordinaire nos docteurs français sur ces sortes de questions, que ces saints personnages ont bien pu avoir quelque désaccord spéculatif, mais qu’ils se sont enfin réunis dans la charité, dans la foi, dans le martyre et dans la gloire, puisqu’ils sont également canonisés.

Nous voilà bien loin de notre statue, pas si loin cependant, car elle prouve authentiquement la vénération de l’église romaine pour un saint Hippolyte qui évidemment lui appartenait, vénération attestée par les hommages solennels qu’elle lui rendait cent ans après sa mort. Ce saint est bien l’auteur d’un calendrier pascal différent de celui d’Alexandrie, et qui commençait, dit Eusèbe, avec le règne d’Alexandre Sévère. Tel est le cycle gravé sur un des côtés du siège de la statue ; on y trouve toutes les fautes qui caractérisaient le travail d’Hippolyte. Enfin ce dernier est bien, selon saint Jérôme, George Syncelle et d’autres, l’auteur des quatorze ouvrages dont les titres sont également inscrits sur le marbre. Il y manque à la vérité la Réfutation de toutes les hérésies ; mais un livre avec ce titre lui est universellement attribué, et cette omission, sur un catalogue d’ailleurs incomplet, n’infirmerait en rien l’opinion de Bunsen, qui reconnaît l’ouvrage dans les Philosophumena. Quant à nous, nous ne faisons qu’indiquer les questions et montrer en passant ce que l’archéologie prend d’intérêt et de vie au milieu des ruines de Rome, et ce qu’en particulier l’archéologie chrétienne peut devoir à la fondation judicieuse d’un musée chrétien.


CHARLES DE REMUSAT.