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deux élémens qui doivent toujours se balancer dans Une entreprise. Tels sont tous les chemins de fer, sauf quelques exceptions qui constituent des lacunes et des lignes isolées dans le réseau, à moins qu’elles ne s’y rattachent par des artifices dispendieux, comme le Great-Western railway, où l’on a mis un troisième rail intermédiaire qui ramène la voie à l’écartement ordinaire.

Malgré les conséquences bien connues aujourd’hui de l’isolement, les ingénieurs viennent d’assigner une largeur inusitée aux lignes russes, espagnoles, portugaises et indiennes, tant le trafic des chemins de fer a dépassé les prévisions. L’avenir seul permettra de juger cette innovation. Quant aux lignes existantes, ce n’est plus que par degrés insensibles qu’elles peuvent s’élargir. A l’origine, les rails étaient écartés de 144 centimètres; on compte aujourd’hui 1 centimètre de plus. Il en sera sans doute de même dans quelques années, et avec le temps les ingénieurs seront un peu plus à l’aise pour donner au matériel les proportions qu’exige l’accélération des vitesses.

L’accélération des vitesses, voilà le progrès le plus ardemment désiré; nous en sommes venus à trouver les trains omnibus insupportables. Aussi l’attention est-elle acquise aux plus fabuleuses promesses des inventeurs en fait de vitesse. N’a-t-on pas vu récemment même des recueils techniques signaler à leurs lecteurs des projets de chemins de fer où les trains feraient cent lieues à l’heure! Ces propositions ont été placées sous des noms d’une telle autorité que les hommes du métier eux-mêmes se sont émus. L’un de ces projets les plus vantés dans des comptes-rendus pompeux a eu les honneurs d’un essai d’application dans le jardin public d’une ville de province : la machine est un assez curieux jouet à ressort, dont la détente lance un véhicule sur la voie avec une grande vitesse initiale. L’inventeur attend qu’on lui fasse une machine pratique. Le problème n’est pas facile à résoudre, car la force nécessaire pour mouvoir un train de quinze voitures à la vitesse de 60 kilomètres à l’heure n’est rien moins que de 250 chevaux. Pour cent lieues de vitesse, elle serait d’environ 2,000 chevaux, et c’est ce travail immense qu’on prétend demander à des ressorts en action continue!

Après le chemin de fer à ressort est venu un autre système qui doit l’égaler au moins en vitesse, et dont il a été beaucoup parlé. Avec celui-là, on irait de Paris à Marseille en deux heures et demie; nos premiers ingénieurs le patronnent, et la plus haute approbation que puisse chercher un inventeur ne lui a pas fait défaut. Voilà ce que l’on vient de lire textuellement dans l’une des premières revues anglaises. Nous n’avons pas besoin de dire que les éminens ingénieurs nommés sont aussi surpris de la merveilleuse invention qu’on leur prête qu’Herschel le fut dans son temps pour la découverte des