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cordant aux étrangers la liberté d’aller à Kanagava, ceux-ci étaient si bien établis à Yokohama qu’ils demandèrent d’eux-mêmes à y rester. « Le mouillage de Yokohama valait mieux que celui de Kanagava, disaient-ils. L’isolement où ils étaient réduits avait des avantages réels : il garantissait leur sûreté personnelle, il protégeait leurs biens et favorisait l’extension de leur commerce, puisque les marchands indigènes, toujours soigneux de cacher leurs relations avec les étrangers, aimaient mieux aller les trouver à Yokohama que d’être vus dans leur compagnie à Kanagava. »

Yokohama fut ainsi, par la force des choses, choisi pour l’une des trois résidences affectées aux Européens et aux Américains, et, grâce à leur activité, ce pauvre et obscur village devint en peu de temps une ville riche et florissante. Elle compte aujourd’hui trois ou quatre mille habitans, qui, tous sans exception, tirent des étrangers leurs moyens d’existence, et qui, pour cela même, sont appelés à jouer un rôle dans l’histoire de la régénération de leur patrie. Le commerce de Nagasacki et de Hakodadé n’est pas considérable : il consiste presque entièrement en articles d’exportation, et s’il augmente les revenus du Japon, il ne peut pas l’initier au secret des sciences et de l’industrie européennes. A Yokohama au contraire, l’importation est aussi active que variée, et les Japonais, en recevant les mille produits de l’industrie occidentale, prennent de continuelles leçons dont, avec leur vive intelligence, ils ont su déjà tirer parti.

Le port de Yokohama est vaste; il pourrait abriter des centaines de navires. Des collines boisées, couvertes de champs cultivés et de bourgades, l’enferment au nord et à l’ouest; des montagnes, plus éloignées, au pied desquelles se trouvent en grand nombre des villes et des villages, le protègent contre les vents du sud. Il est ouvert au levant, mais les tempêtes qui s’élèvent de ce point de l’horizon sont fort rares, et jusqu’à présent on n’a eu aucun désastre maritime à y déplorer. Quant aux environs, ils offrent une grande variété de sites pittoresques. La nature, comme à Nagasacki, y a un charme si puissant, que la plupart des étrangers s’attachent à Yokohama comme à une seconde patrie.

La ville comprend quatre parties distinctes : le quartier franc, le quartier japonais, le Benten et le Yankiro.

Le quartier européen compte environ deux cent cinquante habitans, la plupart Anglais; il est coupé de grandes rues, larges, bien tenues et tirées au cordeau. Les maisons d’habitation présentent un curieux amalgame de l’art occidental et de l’art japonais; elles sont en général commodes, spacieuses, bien aérées, pourvues d’une verandah qui fait le tour du premier étage couvertes d’énormes toits