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mesurant 3,600 hectares. L’étang méridional ou de La Canau couvre à peu près 2,000 hectares ou 20 kilomètres carrés; il est réuni au premier par les vastes marais de Talaris, qui longent la base des dunes, et maintiennent par de lentes oscillations le même niveau dans les deux bassins lacustres. Égaux par l’altitude, les deux étangs le sont également par tous leurs caractères hydrologiques. Immédiatement au pied des dunes, ils offrent leur plus grande profondeur; puis le fond se relève du côté de l’est par une pente insensible, et le long du rivage oriental la couche liquide est si mince qu’un berger monté sur des échasses d’un mètre et demi de haut pourrait facilement s’avancer jusqu’à près d’un kilomètre du bord, offrant ainsi le spectacle étrange d’un homme qui se promène sur les flots. L’eau des étangs, floconneuse à la surface, remplie de germes et de détritus végétaux, est le plus souvent d’un jaune ou d’un vert sale, et quand on la regarde, on ne peut s’empêcher de reporter avec mélancolie sa pensée vers ces lacs des montagnes à l’eau si transparente, si claire, d’un azur ou d’un vert si cristallin; mais au loin la grande nappe lacustre reflète les nuages, la lumière du ciel, les forêts de ses rivages, aussi bien qu’un lac des Alpes. Fréquemment d’ailleurs, pendant la saison des chaleurs, de lointains mirages, causés par l’oscillation des couches aériennes suréchauffées, viennent ajouter à la beauté du spectacle qu’offre l’étendue des eaux tranquilles. Dans cette saison, les étangs sont unis comme des miroirs; mais pour peu que le vent s’élève, leur surface se hérisse de vagues courtes et pressées qu’osent à peine affronter les grossières embarcations des landais et les quelques chaloupes à un ou deux mâts qui naviguent sur le lac d’Hourtin pour le service du phare.

De nos jours, les étangs d’Hourtin et de La Canau ne communiquent point directement avec la mer; le surplus de leurs eaux s’écoule dans le bassin d’Arcachon, en passant à travers des marécages obstrués d’herbes et de roseaux, et en formant de distance en distance de petits étangs ou clas dont la rive occidentale est nettement limitée par des talus de sable, tandis que la rive orientale se confond avec des vasières et des prairies tremblantes. Cependant la tradition rapporte que chacune de ces mers intérieures déversait naguère ses eaux dans l’Océan par un canal direct, creusé perpendiculairement au littoral à travers la rangée des dunes. Les pêcheurs montrent encore dans l’étang d’Hourtin une espèce de fosse profonde et vaseuse qu’ils disent avoir été l’entrée du chenal d’écoulement. On parle aussi d’un port Maurice ou port d’Anchise, qui aurait existé sur la rive de l’étang de La Canau, et que les habitans du pays auraient employé pour l’expédition de leurs résines à Bordeaux. On dit même que tous les titres de propriété relatifs à cet