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ple et les Aráras. Dans tout le pays qui s’étend entre la rivière des Tapajos et la Madeïra, les établissemens indiens sont tenus de conserver une organisation militaire. On construit en dehors de chaque village un grand hangar séparé où les hommes en état de combattre passent la nuit, et des sentinelles sont placées de tous côtés pour faire retentir au besoin le turi sonore à l’approche des Araras, qui choisissent toujours l’heure des ténèbres pour leurs meurtrières entreprises.

Les Mundurúcus, les Mauhès, les Passès, et généralement toutes les peuplades que nous venons de nommer, paraissent dériver de la même origine ; l’émigration les a détachées de leur tige commune, et un long isolement leur a donné à chacune des mœurs, des usages différens, un langage qui n’est pas le même. Au milieu de ces idiomes divers se dégage la langue mère, le tupi, qui se parle avec de très légères altérations tout le long du fleuve des Amazones, sur une étendue de deux mille cinq cents milles. M. Bates remarque à ce sujet combien il est facile aux sauvages des diverses peuplades arrivés sur quelque point central, — à Éga par exemple, où le tupi est l’idiome commun, — d’apprendre cette langue, si peu en rapport avec celles qu’ils se sont faites. Il l’attribue principalement à ce que les formes grammaticales de tous les patois indiens demeurent les mêmes, si différens que soient leurs vocabulaires. Un trait commun à tous par exemple, c’est de placer la préposition après le nom, ce qui en fait, à vrai dire, une post-position. C’est ainsi que les Indiens du Brésil disent : Il est venu village du ; allez lui avec, etc. Dans la sphère très limitée de leur existence physique et morale, ils ont peu d’idées à exprimer ; le vocabulaire par conséquent est très borné. La séparation des dialectes indique à quel point a été complet et combien a duré l’isolement où chacun de ces petits groupes sauvages a dû vivre. Il est probable, sinon certain, que l’étrange inflexibilité de l’organisation indienne, aussi bien de corps que d’esprit, est due précisément à cette existence restreinte et aux étroits rapports, aux croisemens continuels des mêmes familles pendant d’innombrables générations. Leur fécondité s’en trouve diminuée, car il est bien rare de trouver une famille indienne qui compte trois ou quatre enfans, et les voyageurs sont unanimes sur les funestes résultats qu’amène pour eux le moindre déplacement.

Le parti que la civilisation peut tirer d’êtres ainsi organisés se réduit jusqu’à présent à peu de chose. Le gouvernement brésilien, divisant en districts le territoire où sont épars les laboureurs et les bateliers indiens, a institué une sorte de magistrature spéciale, chargée de les incorporer et de les tenir à la disposition des voya-