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PÉRÉGRINUS. toujours doux et calme.

Comme tu voudras, (une pause) Eh bien !

MAX, lui tâtant la tête.

Le front,... la forme,... la densité...

PÉRÉGRINUS.

Tu t’occupes aussi de crâniologie ?

MAX.

Moi, croire à une ânerie pareille?

PÉRÉGRINUS.

Eh bien ! alors...

MAX.

Ton pouls est calme, ton œil est pur, ton front est moite... Tu es bien constitué... Tu as de l’appétit?... Dors-tu bien?

PÉRÉGRINUS.

Comme un loir.

MAX.

Pas de tristesse?

PÉRÉGRINUS.

Pas du tout!

MAX.

Ni d’inquiétudes?

PÉRÉGRINUS.

Je n’en ai point sujet.

MAX.

Pas d’ambition?

PÉRÉGRINUS.

Pas si sot !

MAX.

Et pas de haine?

PÉRÉGRINUS.

Je ne sais ce que c’est.

MAX.

Mais de l’amour? Ah! l’amour, voyons, sois franc.

PÉRÉGRINUS, souriant et un peu embarrassé.

L’amour... Bah! l’amour me laisse bien tranquille, va!

MAX.

Alors, mon pauvre ami, ça va bien mal, et je ne donnerais pas un kreutzer de ta peau.

PÉRÉGRINUS.

A qui en as-tu? et que signifie ce badinage?

MAX, retournant son fauteuil devant lui et parlant comme un professeur à la tribune..

Je ne plaisante pas! Mon ami Pérégrinus, tu es perdu ! perdu sans retour, si tu ne changes de régime, de caractère, d’habitudes, de mœurs et d’occupations. Malheureux! ne vois-tu pas que tu t’es atrophié déplorablement dans le bien-être épais et nauséabond de la vie régulière? Crois-tu donc que l’homme soit fait pour s’absorber dans une spécialité industrielle? Encore, si tu cherchais quelque perfectionnement à cette spécialité? Mais te