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« Laissez tout lire; alors, si vous le voulez, vous ferez connaître votre opinion; la diète siégera un jour de plus pour cela. » Puis, quand ce dernier jour est venu, chacun des nonces a reçu, à six heures du matin, un message spécial pour insinuer qu’il serait plus sage de ne rien dire. En conséquence, lorsqu’ils ont été réunis, le maréchal a exprimé en peu de mots l’approbation des mesures arrêtées par la délégation, et a immédiatement dissous la diète, après quoi toute l’assemblée, accompagnée du roi et des sénateurs, s’est rendue à l’église, et l’on a chanté un Te Deum. Ainsi s’est terminée cette curieuse affaire. Toute une nation s’est crue placée dans cette situation singulière de devoir concourir à faire de nouvelles lois en complète opposition avec ses idées; le roi, avec les intentions les plus élevées et les plus droites, a été obligé de choisir le parti russe comme le moindre de deux maux, car s’il s’était jeté de l’autre côté, il s’en fût suivi la plus cruelle et la plus sanglante guerre civile.

« Les changemens faits pendant cette diète consistent en divers articles rétablissant la décision à l’unanimité, qui, comme je l’ai déjà dit, avait été supprimée en deux points essentiels, les affaires militaires et les finances. Désormais les impôts, les levées de troupes, toute espèce de traités, même ceux de commerce, la paix et la guerre, ne seront plus décidés par la majorité, mais seront toujours soumis à la nécessité d’une résolution unanime. — Le petit nombre d’affaires sur lesquelles la majorité statuera sont de si peu d’importance et si enveloppées de difficultés de formes, qu’un tel pouvoir ne pourra jamais réaliser aucun plan profitable au pays. — En résumé, l’objet principal de la Russie a été rempli : rendre le gouvernement aussi confus et embarrassé que possible, ou, pour mieux dire, détruire tout gouvernement. Ainsi, par exemple, les nouveaux règlemens introduisent tant de formalités dans les diétines, rendent si voisine de l’impossible toute constatation de la qualité des votans, que les élections ne peuvent manquer d’amener de grands désordres. Les membres élus seront toujours ceux qui s’appuieront sur le trouble et sur la violence, et non sur leur véritable considération dans le palatinat. Les lois de finances sont ainsi combinées, que le produit des impôts, jusqu’au dernier centime, est affecté à un service spécial, de sorte qu’il n’y aura jamais le moindre excédant, ni par conséquent de réserves qui puissent rendre la Pologne redoutable à ses voisins. Le pouvoir des commissaires de la guerre et de la trésorerie est considérablement amoindri par l’interdiction de ces fonctions aux nonces, et vice versa. Outre ces points essentiels, plusieurs passages, dans les actes de cette dernière diète, insistent vivement sur la nécessité des confédérations comme le seul remède contre les abus de l’unanimité. C’est planter un germe éternel de discorde, car ce qu’en Pologne on appelle confédération s’appellerait révolte dans tout autre gouvernement. Les lois de Pologne autorisent un nombre quelconque de mécontens à se réunir, à déclarer leurs griefs, quels qu’ils soient, fût-ce le désir de déposer le roi, et sa majesté est obligée de convoquer une diète pour les prendre en considération. Dans ces diètes, appelées diètes de confédération, tout se décide à la pluralité des voix. C’est ainsi que la Pologne est réduite à l’impuissance. Le rétablissement du liberum veto semble respirer un air de