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pliquées. Lorsque la mer couvrait partout les continens, il n’y avait que les poissons et les plantes aquatiques qui pussent exister. Le continent, à mesure qu’il s’est formé, s’est couvert de forêts qui ont absorbé la masse d’acide carbonique nécessaire aux plantes, nuisible aux animaux qui remplissait l’air; l’air, dépouillé de ce gaz perfide, est devenu propre à la respiration des animaux. Ainsi tout semble indiquer que les formes organiques sont les résultantes du milieu et des conditions extérieures où elles sont placées.

Le docteur Büchner et l’école allemande en général admettent donc sans hésiter les générations spontanées. Là où l’air, la chaleur et l’humidité combinent leur activité, là se développe avec une certaine rapidité ce monde infini d’animaux microscopiques que l’on appelle les infusoires. Cependant M. Büchner est un peu ébranlé par les nombreuses et très fortes raisons qui militent contre les générations spontanées. Il s’en tire par une hypothèse. — Suivant lui, on pourrait supposer que les germes de tous les êtres vivans existent de toute éternité, et ont attendu pour se développer la production des circonstances favorables, que ces germes, dispersés dans l’espace, sont descendus sur la terre après la formation de la couche solide, et ont éclos lorsqu’ils ont trouvé les milieux qui leur étaient nécessaires.

Partisan peu déguisé, malgré cette hypothèse, des générations spontanées, le docteur Büchner l’est également, on doit le prévoir, de la transformation des espèces, car quelque part que l’on soit disposé à accorder aux puissances génératrices de la matière, il est difficile de soutenir que la nature ait pu produire spontanément un homme, un cheval, un éléphant, surtout lorsqu’on professe que la nature n’a jamais mis en jeu que des forces semblables à celles que nous connaissons. C’est pourquoi, lorsqu’on est décidé à écarter l’hypothèse d’une puissance créatrice et d’une intervention providentielle, on est amené à supposer que toutes les formes organiques naissent les unes des autres par des modifications insensibles. L’auteur s’appuie principalement sur ces deux faits : — le germe de toutes les espèces se ressemble, et l’animal, à mesure qu’il se développe, passe par toutes les formes inférieures du règne animal, ou du moins il représente, aux différens degrés de son développement, les types principaux de la série ; — les animaux fossiles paraissent n’être autre chose que les embryons des animaux actuels. Agassiz l’a démontré pour les poissons, et il conjecture la même vérité pour toutes les autres classes d’animaux. D’après ces deux faits, pourquoi ne pourrait-on pas conjecturer que le règne animal a commencé par les formes les plus générales et les plus embryonnaires, et que peu à peu, sous les influences des circonstances extérieures, ces formes générales se sont modifiées et diversifiées?