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mauvais vouloir de quelques généraux détruisit l’effet pratique de cette résolution. Dans l’ouest, le général Frémont proclama libres tous les esclaves des rebelles dans son district militaire ; le président fut contraint par ses amis de le désavouer, et lui enleva son commandement. Peu après, M. Cameron, le premier ministre de la guerre du président, parlait d’armer et d’enrégimenter les noirs ; le président le fit sortir du cabinet et l’envoya en mission à Saint-Pétersbourg.

Longtemps les républicains se crurent assez fort pour vaincre la rébellion pour saisir les armes que pouvait leur fournir la question de l’esclavage : M. Seward, qui, bien qu’ayant prédit, il y a quelques années déjà, l’irrépressible conflit entre l’esclavage et la liberté, n’avait pourtant jamais voulu croire aux menaces du sud, se flatta, quand la guerre eut éclaté, de rétablir l’union en quatre-vingt-dix jours ; mais cette confiance fut promptement dissipée, et la lutte ne put rester renfermée dans le cercle étroit où on voulait la contenir. Dans son message au congrès au commencement de 1862 le président parla pour la première fois de l’émancipation ; il ne s’y hasarda néanmoins qu’après avoir pris l’avis des maîtres d’esclaves des états frontières, du Missouri et du Kentucky. Plusieurs de ces derniers donnèrent leur adhésion aux idées du président, préférant une compensation pécuniaire à la ruine et à la destruction violence de l’institution servile. Dans ce message, le président avertit les rebelles que, si la guerre continuait, « tous les incidens de la guerre se produiraient, même au risque d’une ruine totale, » menace facile à interpréter pour les moins clairvoyans. Un mois après, le congrès sur la proposition du président, abolissait l’esclavage dans le district de Columbia, dont Washington est le centre, en accordant une forte indemnité aux propriétaires d’esclaves. Reprenant la juridiction que la constitution lui avait accordée sur les territoires, le congrès décida que l’esclavage ne pourrait plus y être introduit, et ferma ainsi à l’institution du sud les territoires vierges du centre du continent. Quand le général Lee rejeta l’armée de Mac-Clellan sur les bords du James-River et se prépara lui-même à envahir les états du nord, le bill de confiscation fut la réponse des chambres aux cris de victoire des confédérés. Le président accorda aux secessionistes un délai de soixante jours pour faire leur soumission. Ce terme passé, il avait le droit de déclarer libres, leurs esclaves et de confisquer tous leurs biens. Le bill affranchissait tous les noirs fugitifs, et défendait aux autorités militaires de se faire les exécuteurs de la loi relative à ces esclaves ; il autorisait aussi le président à organiser les hommes de couleur pour hâter la suppression de la révolte. Bientôt, dépassant les bornes du bill de confiscation,