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avant que cette éclatante revanche eût été prise, on brûla le bazar de la ville condamnée, un monument élevé par Aureng-Zebi En revanche, pour remplacer Shah-Soudjah, le protégé des Anglais, que les rebelles avaient mis à mort, on choisit le promoteur secret de la rébellion, et, sans se trop soucier du démenti éclatant que l’on se donnait ainsi, on rendit la couronne à Dost-Mohammed; puis on se hâta d’évacuer l’Afghanistan après une solennelle proclamation de lord Ellenborough où il était dit, entre autres choses, « qu’il n’était ni dans les principes ni dans la politique de l’Angleterre qu’on pût imposer par la force à quelque peuple que ce soit un gouvernement dont il ne veut point. » Les Afghans durent entendre avec une certaine surprise cette profession de foi, que les circonstances ne rendaient guère opportune. Quoi qu’il en soit, de cette lutte qu’on aurait pu croire si périlleuse pour eux, ils sortaient au fond par une victoire complète : le souverain de leur choix leur était rendu, et l’étranger qui avait si mal à propos essayé de les asservir à sa politique se retirait après maint désastre, avec le ferme projet de ne plus se laisser entraîner au-delà de ses frontières,. La leçon avait été dure en effet : elle coûtait aux Anglais plus de six mille soldats européens, et les frais de la guerre montaient à 15 millions sterling (375 millions de francs). Il n’était pas à craindre qu’ils l’oubliassent sitôt.

Assuré désormais de vivre en paix avec ses redoutables voisins, Dost-Mohammed reprit par degrés une attitude indépendante et aborda peu à peu la politique d’agrandissement qui est celle de tout despote oriental. En 1850, il conquit Balkh et son territoire ; en 1854, il annexa la principauté de Kandahar au royaume de Caboul. Hérat, restée sous un chef indépendant, changea plusieurs fois de maîtres de 1852 à 1856, époque où Isa-Khan, qui s’y était emparé du pouvoir, menacé par les Afghans, invoqua la protection du chah de Perse, et l’obtint immédiatement en dépit des traités passés entre ce prince et le gouvernement anglais. On sait que la conséquence de cette infraction fut la guerre de 1857 entre l’Angleterre et la Perse, guerre à peine terminée lorsque la révolte des cipayes, éclatant à l’improviste, vint compliquer les affaires anglo-indiennes.

C’est au début de la guerre de Perse, au mois de janvier 1857, que se renouèrent les rapports politiques de l’Angleterre et des Afghans. L’émir Dost-Mohammed, pendant son séjour à Calcutta, s’était mis au courant des tendances et des traditions de la politique anglaise. Les progrès continuels de ces perpétuels envahisseurs qui de, proche en proche, et moyennant l’annexion du Pendjab, étaient arrivés jusqu’à la limite de ses états, ne l’avaient pas laissé sans de graves méfiances; mais il avait appris à les estimer autant qu’il