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défauts, les formes extérieures, c’est la manière des grands poètes. Évitons les contre-façons. Il faut que l’originalité soit originale. » Ce dernier trait fait d’avance justice de ces oripeaux romantiques, si vite fanés, qui étaient alors dans toute leur fraîcheur d’emprunt. Rien de plus facile que la fausse originalité, mais aussi rien de plus éphémère.

Ces travaux, si variés et si solides, rehaussaient chez l’auteur l’éclat d’un grand nom. Ce temps a été le plus heureux de sa vie; des succès plus retentissans n’ont pu faire oublier plus tard ces jours d’activité généreuse et sereine. La conformité des idées et des sentimens attirait autour de lui une société d’élite. Tous ceux qui ont eu l’honneur d’approcher Mme la duchesse de Broglie disent combien ce nom rappelle de grâce délicate et d’aimable supériorité. Jeune, belle, d’un esprit à la fois sérieux et charmant, pieuse et gaie, sévère et piquante, douée de toutes les séductions et de toutes les vertus, elle aimait le monde comme sa mère, et y portait comme elle un irrésistible attrait. Son salon devint le rendez-vous des hommes les plus distingués de son temps, et continua pendant vingt années la tradition de nos grands salons des deux derniers siècles. Là se rencontraient presque tous les jours M. Royer-Collard, M. de Barante, M. de Sainte-Aulaire, M. Guizot, M. Villemain, M. Cousin, et un peu plus tard M. de Rémusat, M. Duchâtel, M. Vitet, M. Jouffroy, avec tous les étrangers illustres qui passaient à Paris. Là se préparaient les combinaisons politiques et se décidaient les succès littéraires. Beaucoup de ceux qui y furent admis vivent encore, et conservent ce souvenir comme un des plus chers trésors de leur vie passée; d’autres sont morts laissant une trace lumineuse, et parmi eux le frère de Mme de Broglie, M. le baron Auguste de Staël, dont la fin prématurée fut une perte pour la France.

L’article sur l’Art dramatique parut dans la Revue française du mois de janvier 1830. M. le duc de Broglie y exprimait l’intention de reprendre bientôt ce sujet. Il comptait sans les événemens, qui allaient l’enlever à ces travaux paisibles et le jeter dans de tout autres hasards. Quand éclata la révolution de juillet, il ne put se défendre d’une émotion douloureuse, mais il sentit la nécessité de fonder au plus vite un gouvernement. Lui-même a exprimé bien longtemps après, en quelques mots graves et fermes, les sentimens dont il fut saisi ; c’est dans son discours de réception à l’Académie française, prononcé en 1856. « M. de Sainte-Aulaire, dit-il en parlant de son prédécesseur, était absent de France au mois de juillet 1830. Il n’eut point à délibérer avec lui-même, il n’eut point à prendre parti dans cette crise soudaine et terrible. Tout était décidé avant son retour. Je n’entends, quant à moi, ni regretter ni rétracter le