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l’intérêt qu’il ne cesse de prendre aux questions étrangères, qu’il a longtemps dirigées. L’entrée de lord Clarendon, en prouvant qu’il adhère à la politique du cabinet, lui apporte une nouvelle force. Lord Clarendon n’eût peut-être pas écrit, comme lord Russell, cent soixante-dix dépêches sur la question danoise ; mais il approuve évidemment la politique suivie dans cette prodigieuse effusion diplomatique. Voilà donc le personnel du char de l’état remis au complet ; il est lesté du budget de M. Gladstone, et le vieux Pam peut remonter sur le siège en mordillant de ses lèvres narquoises une fleurette printanière.

On ne peut point analyser ces brillans discours que M. Gladstone prononce chaque session en présentant à la chambre des communes les voies et moyens de l’année. Comment essayer de tirer la quintessence de ces harangues qui s’étalent joyeusement dans une douzaine de colonnes du Times ? C’est la statistique élevée à la poésie, c’est l’arithmétique illustrant de totaux splendides la vie de ménage d’un peuple ; ce sont des chants économiques accompagnés de fanfares de chiffres. Comme M. Gladstone est à l’aise au milieu de ces millions qui produisent des milliards, avec quelle prestesse il leur fait accomplir les manœuvres de l’addition, de la soustraction, de la multiplication et de la division ! comme il sait et nous apprend d’où ils viennent et où ils vont ! Ceux-ci arrivent de telle cédule A, B, C ou D de l’income-tax, ceux-là descendent du thé, les uns du sucre, les autres de la drèche. Et ce n’est pas tout de nous montrer ces magiques résidus de la consommation qui se cristallisent en livres sterling : chaque branche du revenu, pour qui sait y lire comme M. Gladstone, est l’épopée du commerce, de l’industrie, de la marine et de la vie de la nation. Si le revenu a donné tant, c’est qu’on a importé tant de la Chine et de la Russie, des États-Unis et de l’Égypte, de l’Australie et de la France : mais si l’on a Importé tant, on a consommé tant dans le pays et exporté tant. Alors recommence cette odyssée qui traverse toutes les mers et s’en va à tous les bouts du monde. Puis tout cela se résume en quelques faits décisifs qui établissent la marche de la politique gouvernementale ; l’honneur, la gloire du ministre financier sont triples : victoire si les dépenses ont diminué, victoire si le revenu s’est accru, victoire enfin si l’excédant des recettes sur les dépenses laisse dans le présent une ressource pour amortir la dette publique, et pour l’avenir la faculté de réduire les impôts ! Cette triple victoire, M. Gladstone l’a remportée cette année aux applaudissemens de l’Angleterre. Les dépenses sont en voie de diminution ; elles ont été réduites de 150 millions de francs depuis 1860 ; l’excédant des recettes est de plus de 70 millions de francs ; il sert à diminuer les droits sur le sucre, sur le thé, à diminuer d’un penny par livre L’income-tax. Le budget de M. Gladstone est en un mot l’exposé de cette situation économique si prodigieusement prospère où se trouve l’Angleterre, et qui lui fait prendre en répugnance et en dédain ces petites querelles politiques de notre petit