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d’inaction si regrettable me permit du moins de visiter à loisir ces bâtimens, qui se composent de trois parties principales, — une chambre de devant (fore cabin) dans laquelle on emmagasine les voiles et les cordages, une cale (hold) où l’on dépose le poisson, et une autre chambre à l’arrière du bateau (back cabin), dans laquelle se tiennent les pêcheurs. Cette dernière cabine est relativement très petite et entourée de bancs ; les lits plats et revêtus d’une rude couverture brune s’étendent de chaque côté dans des cases étroites et obscures. Le personnel formant l’équipage de pêche varie selon la taille et l’importance du smack ; mais en général il se compose de trois hommes et d’un boy (garçon ou mousse). Ces bâtimens restent quelquefois six jours et six nuits en mer, et s’éloignent à vingt ou trente milles du rivage. Durant la nuit, un des quatre marins demeure sur le pont, tandis que les trois autres vont dormir dans la cabine. Si le vent s’élève, il prévient ses camarades, qui sont aussitôt sur pied et jettent allègrement les filets dans la mer.

Le smack appartient généralement à un maître qui fournit les vivres à l’équipage, mais qui déduit tant pour la nourriture sur le gain de chaque homme. Quel est maintenant le mode de rétribution ? Les pêcheurs sont payés d’après ce qu’ils prennent. C’est une loterie dont le vent et d’autres accidens de la nature font en grande partie les bonnes ou mauvaises chances. Deux tonnes de poissons par voyage sont ordinairement considérées comme une bonne pêche. Le butin est alors divisé en sept parts, dont quatre appartiennent à l’équipage et trois au propriétaire du smack. La part de l’équipage se subdivise elle-même selon l’importance des mains, le patron (skipper) recevant plus que l’aide (mate), et ce dernier plus que l’homme qui vient au troisième rang dans la hiérarchie de la pêche. Quant au mousse, il touche 7 shillings par semaine et est nourri par l’armateur. Le partage se fait en argent ; aussi attend-on pour cela que le poisson soit vendu. Le marché se tient à gauche du port, sur le quai, dans un endroit pavé de larges dalles et recouvert d’une voûte en fer supportée par de lourds piliers de métal. Au milieu de cette même place du marché, on montrait autrefois la pierre sur laquelle débarqua, le 5 novembre 1688, Guillaume III, alors prince d’Orange, quand il vint en Angleterre détrôner le faible et despotique Jacques II. Comme cette pierre gênait la circulation, elle a été transportée vers le centre de la jetée, où elle s’élève encadrée dans un obélisque de granit. C’est surtout le samedi soir qu’il faut voir le marché aux poissons de Brixham ; tous les smacks qui peuvent se frayer un chemin et trouver de la place entrent bravement dans le port, tandis que le reste de la flotte mouille