Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 50.djvu/339

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du peuple grec surent arrêter à temps et faire tourner au profit du pays, mais qui, dans la pensée des, cabinets de Londres et de Saint-Pétersbourg, devait se terminer par le renversement d’Othon Ier. Ainsi en 1847 l’Angleterre excita les formidables révoltes de l’Eubée, de la Phthiotide et de l’Achaïe ; en 1850, lord Palmerston envoya la flotte britannique devant le Pirée, sous prétexte d’appuyer les réclamations ridicules du juif Pacifico, mais en réalité pour amener une tentative contre la couronne, et en 1852 la Russie arma contre le gouvernement grec l’insurrection religieuse du moine Christophe Papoulakis. Nous ne nous appesantirons pas sur les faits plus récens ; mais lorsqu’une série de fautes déplorables eut amené la révolution d’octobre 1862, chacun sait si les intrigues étrangères ont peu contribué à l’état de désordre et d’impuissance où le pays s’est débattu pendant douze longs mois.

L’existence politique de la Grèce, depuis que le traité du 7 mai 1832 l’a définitivement introduite dans la grande famille des états européens, se divise en deux périodes, celle du pouvoir absolu et celle du gouvernement constitutionnel. Dans la première phase, la tâche de la royauté était plus facile que dans la seconde. La nation grecque, épuisée par sa guerre héroïque contre les Ottomans, lassée par dix ans de troubles et surtout par l’inextricable anarchie qui avait suivi la mort du président, sentait dans tous ses rangs le besoin d’une autorité forte et concentrée. On sortait d’un chaos où rien n’était resté debout, et on avait devant soi table rase pour tout édifier. Les résistances s’effaçaient devant le prestige monarchique, encore sans atteinte et tout puissant sur les hommes rudes, mais naïfs, qui avaient fait l’indépendance ; chacun s’empressait de seconder le gouvernement dans l’œuvre commune du rétablissement de l’ordre et de la création d’un régime normal. Cette lune de miel de la royauté bavaroise, qui donnait les plus belles espérances, ne dura pas un an, et les fautes de la régence perdirent une situation qui ne s’est jamais représentée sous un jour aussi favorable. Il ne servirait de rien d’insister sur l’époque où le gouvernement de la Grèce fut celui de la monarchie absolue : cette époque, flétrie par les Hellènes du nom de Bavarocratie, a légué un bien lourd héritage à celle qui lui a succédé ; mais ni le pays ni le roi ne doivent en être tenus pour responsables : le pays n’avait point de part sérieuse aux actes d’une autorité entièrement étrangère, et pour le souverain, sa jeunesse à cette époque ne permet pas de faire remonter jusqu’à, lui la responsabilité de ce que ses ministres faisaient en son nom.

Une ère nouvelle commença en 1843 pour l’état hellénique avec l’expulsion des derniers Bavarois ; ce fut le début et en même temps le plus beau moment de sa vie politique. La conviction de l’insuffisance