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l’œuvre exclusive d’aucune faction. Ce ne sont ni les conspirateurs ni les étudians ameutés, ni les quelques centaines de soldats avinés par lesquels a été proclamé M. Boulgaris, qui ont renversé la royauté bavaroise : c’est le pays tout entier, sans distinction de partis.

Si le roi Othon avait montré plus de fermeté dans l’exercice du pouvoir, plus de respect des principes constitutionnels, s’il avait accordé les réformes libérales que réclamait la Grèce quand il pouvait encore le faire avec honneur, s’il n’avait pas rejeté l’opposition dans la rue en l’excluant violemment des chambres, s’il avait su réprimer l’indiscipline de l’armée et tenir les promesses qu’il avait faites après l’insurrection de Nauplie, il serait encore aujourd’hui paisiblement assis sur son trône. Les révolutionnaires, le voyant appuyé sur le sentiment national, n’auraient pas levé la tête, ou, s’ils l’avaient tenté, le peuple grec se serait armé contre eux, comme il l’avait fait lors des soulèvemens successifs de l’Acarnanie, de Lépante, de la Phthiotide et de l’Eubée, de la Messénie, du Magne, de Nauplie enfin et des îles de l’Archipel en 1862. Il n’y avait pas, il est vrai, de dévouement pour la personne du roi Othon, pas d’affection pour son gouvernement : le mécontentement était partout ; mais la nation, avec un grand bon sens, maintenait, sans l’aimer, le pouvoir par attachement à l’ordre légal et dans l’espoir d’un avenir meilleur. On espérait que le malentendu qui, depuis le premier jour de la monarchie, existait entre le prince et le peuple, irait en s’effaçant de plus en plus, que le roi, éclairé sur les dangers de sa situation, finirait par entrevoir l’abîme qui s’ouvrait sous ses pieds, qu’en un mot il réformerait son gouvernement. Après trente ans d’attente, lorsque la patience fut lassée, lorsque l’espoir d’un changement de système eut disparu, la plupart des hommes honnêtes et capables se retirèrent de la vie publique, le pays cessa de soutenir la royauté, et la révolution s’accomplit sans combat : les « hommes du 23 octobre » n’eurent d’autre peine que de s’emparer par surprise du pouvoir tombé sous le poids de ses propres fautes.

Les avertissemens n’avaient pourtant pas manqué à la royauté bavaroise : dans l’espace d’une année, on avait vu se succéder trois conspirations, comptant dans leurs rangs quelques-uns des officiers les plus distingués de l’armée et des hommes politiques les plus considérables ; l’attentat commis sur la personne de la reine, s’il ne pouvait en bonne justice être attribué à aucun parti, prouvait du moins à quel degré d’exaltation en étaient venus les esprits. Au commencement de 1862, la garnison de la plus importante place de guerre du royaume hellénique s’était soulevée au nom des réformes constitutionnelles, avait derrière ses remparts tenu en échec trois mois entiers toutes les forces de la monarchie, et n’avait