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que ce dialecte n’est point tout à fait perdu pour les érudits, on a gravé sur le granit ce verset de l’Exode, écrit tour à tour en anglais et dans l’ancienne langue : « Honore ton père et ta mère, pour que tes jours puissent être longs sur la terre que le Seigneur ton Dieu t’a donnée. » Plus d’une objection s’est élevée contre ce monument, ou du moins contre le fait dont il garde le souvenir. Les langues, a-t-on dit, ne meurent point ainsi, et il n’est pas bien certain que la vieille Dolly Pentreath ait emporté avec elle le dernier signe de la nationalité bretonne. Quoi qu’il en soit, à l’entrée de ce même cimetière se trouve une pierre de granit brut, avec deux bancs de chaque côté, consacrant le souvenir d’un ancien usage. Sur cette pierre, on déposait le cercueil lors des enterremens, et les parens ou amis s’asseyaient à l’entour comme pour dire un dernier adieu au mort. C’était la halte suprême sur le chemin de l’éternité.

Si l’on tient à se faire une idée de l’élégance qui règne dans ces villages de pêcheurs, c’est surtout le dimanche qu’il faut voir Newlyn et Mousehole. Ce jour-là toutes les maisons ont fait leur toilette. Hommes, femmes, enfans, reluisent, pour ainsi dire, sous le linge blanc, la soie et les dentelles. La célébration du dimanche est une des grandes pratiques religieuses de la Cornouaille. Près de Liskeard, on vous montrera trois énormes cercles de pierre appelés les hurlers (lanceurs), et la tradition maintient que ce sont des hommes qui ont été métamorphosés de la sorte pour avoir lancé une espèce de balle le jour du sabbat chrétien. Non loin de Saint-Just est un autre cercle du même genre connu sous le nom de Merry maidens (les joyeuses filles), et ces filles ont été aussi changées en pierres pour avoir dansé ce jour-là. Les pêcheurs de Mount’s-Bays, sont montrés longtemps insensibles, il faut le dire, à ces terribles menaces : ils fêtaient volontiers le dimanche au milieu des plaisirs ; toutefois depuis quelques années un grand changement s’est introduit chez eux par l’influence des wesleyens ou méthodistes. John Wesley a été un réformateur dans la réforme. La trace de ses pas se retrouve partout en Cornouaille. J’ai vu tout près de Penzance, dans le village de Hea, une petite chapelle dans laquelle on conserve avec dévotion le roc sur lequel Wesley prêcha l’Évangile du Christ de 1743 à 1760[1]. À Gwennap s’étend à ciel ouvert un vaste amphithéâtre de forme ovale où il a également semé sa parole au vent, et où trente mille de ses disciples se réunissent encore aujourd’hui le lundi de la Pentecôte. À Newlyri et à Mousehole s’élèvent une chapelle wesleyenne et une école du dimanche suivie par deux ou trois cents enfans entièrement

  1. Ce roc est aujourd’hui surmonté d’une chaire.