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plorables lois polonaises, et les traités secrètement conclus entre eux dans les années 1764 et 1769, aujourd’hui connus, témoignent assez quelle était leur impatience de se partager la Suède aussi bien que la Pologne.

Frédéric II se garda bien de révéler à son neveu tout le complot ; mais, faisant allusion aux efforts déjà tentés par Gustave sous le règne précédent pour obtenir une augmentation de la puissance royale, il rappela du moins les engagemens contractés par la Russie et la Prusse, de concert avec le Danemark, pour conserver l’œuvre de 1720, et il rappela aussi les sermens que Gustave lui-même, comme prince royal et ensuite comme roi, avait dû prêter en vue de l’inébranlable maintien de cette constitution : politique doublement perfide, puisque Frédéric II et Catherine entendaient bien, après avoir fait durer la charte de 1720 jusqu’à ce que l’anarchie suédoise fût devenue extrême, laisser naître ou susciter quelque violation de ce même acte qui leur donnât le prétexte d’une intervention active. Destiné à bafouer, en les ruinant, ces hypocrites desseins, Gustave opposa aux dangereux conseils du roi de Prusse une égale dissimulation : il affirma sur tout ce qui lui était le plus sacré qu’il n’avait contracté avec le cabinet de Versailles aucune liaison nouvelle, qu’il ne formait pas de projets hostiles contre les lois fondamentales de son pays, et que sa ferme intention était de vivre en paix avec ses voisins : il avait seulement à cœur de réconcilier les partis en Suède, et d’y rétablir le gouvernement sur le même pied où l’avaient mis les législateurs de 1720. Frédéric II, malgré sa vieille expérience, paraît avoir été trompé : plusieurs lettres, qu’il écrivit peu de temps après le départ de son neveu, le montrent renouvelant auprès du jeune roi ses équivoques assurances d’affection, et se portant auprès de l’impératrice Catherine garant de la résignation inoffensive qu’on lui avait témoignée.

Gustave III avait pu déjouer pour un instant la vigilance de ses ennemis du dehors ; de retour dans sa capitale le 30 mai 1771, il se trouva en présence des difficultés intérieures. La mort du roi Adolphe-Frédéric, au mois de février, avait surpris le parti des bonnets, toujours soutenus par la Russie, l’Angleterre et le Danemark[1], au

  1. Le chargé d’affaires de Danemark à Stockholm écrit en date du 12 avril 1771 : « Le comte d’Ostermann (ministre de Russie) m’ayant fait l’honneur de passer hier chez moi, je lui ai fait confidence de la volonté du roi de payer les 10,000 écus que sa majesté avait promis de vouloir fournir pour sa part à la caisse commune, selon le plan concerté à Stockholm en avril dernier. Je liii témoignai en même temps que c’était vis-à-vis de la Russie plutôt qu’avec l’Angleterre que sa majesté se croyait engagée à concourir aux opérations en Suède. » Il parle aussi des « pensionnaires » que le roi de Danemark avait à Stockholm. (Archives des affaires étrangères à Copenhague, correspondance de Suède.)