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jusqu’aux îles Shetland, en sorte que cet arc total, mesuré avec une extrême précision, s’étend aujourd’hui sur 22 degrés de latitude. Au lieu du petit arc de Laponie, mesuré par Maupertuis en 1737, on possède maintenant un arc de 25 degrés de longueur qui traverse toute la Russie et la presqu’île Scandinave. Les Anglais ont encore mesuré 21 degrés aux Indes et 5 au cap de Bonne-Espérance. Ces travaux permettent de traiter la question à un point de vue plus général; mais trop de contrées restent inexplorées pour qu’il soit possible d’obtenir dès à présent une certitude complète. Après avoir démontré que la terre est aplatie vers les pôles, il est bizarre que les académiciens du XVIIIe siècle aient admis sans contestation qu’elle était parfaitement circulaire à l’équateur. Ils ne paraissent pas avoir soupçonné que notre globe pourrait bien avoir aussi dans sa zone tropicale des renflemens et des aplatissemens. Cependant c’est cette dernière hypothèse qui paraît aujourd’hui la plus probable et la plus conforme aux faits observés. Au lieu d’être un ellipsoïde de révolution, la terre serait un ellipsoïde à trois axes inégaux; l’équateur et les sections parallèles qui tracent à la surface les degrés de latitude deviendraient des ellipses et ne seraient plus des cercles, comme on l’avait cru jusqu’à ce jour. On peut objecter, il est vrai, à cette nouvelle théorie, qu’aucune considération mécanique prise en dehors de la géodésie ne vient la confirmer. Quoi qu’il en soit, l’idée des trois axes inégaux, émise par le général russe de Schubert, a été discutée de nouveau par le capitaine Clarke, ingénieur anglais attaché ta la géodésie des îles britanniques. D’après les calculs de ce savant, le plus grand méridien terrestre serait situé par 12 degrés de longitude est, et le plus petit méridien, perpendiculaire à celui-là, par 102 degrés de longitude. Ici il faut citer des chiffres pour faire comprendre la valeur approximative de ces aplatissemens. L’axe polaire ayant une longueur de 6,522,362 toises, le plus grand diamètre de l’équateur aurait 6,545,088 toises, et le plus petit 6,543,428 toises. Entre les deux diamètres extrêmes de l’équateur, il n’y aurait ainsi qu’une différence de 1,660 toises[1]. Si la terre n’est pas une sphère parfaite, elle s’en rapproche du moins de très près. Sur un globe d’un mètre de diamètre, l’aplatissement polaire se modèlerait en enlevant une couche de 3 à 4 millimètres d’épaisseur aux extrémités d’un diamètre, et on figurerait le renflement elliptique de l’équateur en ajoutant aux extrémités d’un diamètre perpendiculaire au précé-

  1. Dans la géodésie, tout est français, les méthodes et les instrumens. L’unité de mesure universellement adoptée par les savans de toutes les nations, sauf en Angleterre, est la toise du Pérou, qui a conservé ce nom depuis que Bouguer et La Condamine l’employèrent à la mesure d’un méridien terrestre dans l’Amérique du Sud.