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Il faut arriver à une époque récente pour voir la disposition des esprits changer à ce sujet : cette époque est celle du déclin, de la chute même de la république des Provinces-Unies. Elle qui avait vaincu l’Espagne, glorieusement résisté à la France et à l’Angleterre coalisées, succomba lentement, on le sait, sous les mortelles atteintes d’une guerre de tarifs. Les droits différentiels et l’acte de navigation repoussèrent ses navires de tous les ports; son commerce fut anéanti, sa marine détruite. A la fin du XVIIIe siècle, la Hollande était arrivée au plus affligeant degré de faiblesse, et la conquête française. Sous l’empire, acheva de la ruiner en livrant ses colonies à l’Angleterre. C’est précisément alors cependant que l’agriculture, autrefois si dédaignée, vint lui ouvrir de nouvelles sources de prospérité et de richesse. On a vu souvent des hommes politiques, ministres ou même souverains, trouver dans la vie rurale une nouvelle jeunesse et cette pensée consolatrice, que, pour son humble part, on contribue à fertiliser le sol de la patrie et à augmenter le bien-être de ses semblables. Il en est des nations comme des hommes. Le sort leur a-t-il été contraire, ont-elles succombé dans une lutte inégale, leur commerce, leur industrie, ont-ils décliné sous l’empire de circonstances adverses, il est encore à leur disposition une source inépuisable de profits et de bien-être qui compensera toutes leurs pertes, qui guérira leurs blessures, et que ne pourront jamais tarir les hasards de la guerre ou les vicissitudes des traités : c’est la terre mise en valeur et toujours prête à récompenser au décuple tous les sacrifices intelligens qu’on consent à lui faire; en un mot, c’est l’agriculture. C’est elle en effet qui a soutenu autrefois la Lombardie et la Belgique, asservies à l’étranger et privées de leurs anciennes industries, et c’est elle aussi qui, plus récemment, a relevé la Hollande déchue de son antique grandeur commerciale. Peu à peu, à l’insu de l’étranger et du pays lui-même, sans bruit, sans éclat, mais par des améliorations poursuivies de tous les côtés à la fois, la Néerlande, qui ne vivait jadis que par le trafic, est devenue une des nations agricoles les plus avancées de l’Europe, et celle qui relativement exporte le plus de produits de son sol. Le café et le sucre de ses belles colonies, le beurre, le fromage et le bétail de ses gras pâturages, voilà maintenant les élémens solides de sa prospérité. Déjà[1], en parcourant le pays, en décrivant ses différentes régions, la région verte de la Frise et de la Hollande, les riches cultures de la Zélande et de la Groningue, en constatant le bien-être répandu dans beaucoup de fermes, nous avons signalé les symptômes de cette grande révolution économique.

  1. Voyez la Revue du 15 septembre et 1er novembre 1863, et du 15 janvier 1864.