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être encouragée dans une méticuleuse résistance par un grand gouvernement. Les états secondaires d’Allemagne ont été récemment représentés à Paris par un prince actif et influent. Le duc de Saxe-Cobourg est venu sans doute plaider auprès de l’empereur la thèse et la cause des cours secondaires ; mais nous ne croyons point trop nous avancer en affirmant qu’il n’est pas en France une tête politique sensée qui voulût prendre la responsabilité de perpétuer le désordre en Allemagne et dans le nord de l’Europe par des encouragemens puérils donnés à toutes les prétentions vétilleuses que les petites cours ont émises à propos du règlement de la question danoise. Si la politique de la France a toujours été de soutenir les petits états allemands dans la défense de leurs droits et de leurs légitimes intérêts, ce serait tromper gravement ces petits états que de leur laisser croire que cette politique pourrait jamais être mise au service de leurs préjugés ou de leurs rancunes intestines. La France elle-même, son histoire et le sentiment de la balance des forces en Europe le lui disent assez, serait la première dupe et la première victime d’une telle aberration. La place que la politique française a donnée au principe des nationalités nous permettra peut-être, dans l’affaire du Holstein, de ménager des combinaisons compatibles avec les vœux de l’Allemagne ; mais ce même principe des nationalités, si brutalement violé dans le Slesvig contre les populations de race danoise par les armées d’occupation de Prusse et d’Autriche, nous trace la limite au-delà de laquelle nous ne pouvons, en aucun cas, suivre les aspirations allemandes.

Nous avons, quant à nous, un motif particulier de souhaiter la prompte réunion de la conférence : il nous tarde en effet de voir la politique française sortir enfin de l’attitude effacée et presque boudeuse qu’elle a gardée jusqu’à ce jour devant le différend dano-allemand. Une pareille attitude peut bien, pour un certain temps, ressembler à une manœuvre diplomatique ; mais à la longue la manœuvre cesserait d’être habile et finirait par paraître mesquine. Le soin de notre dignité, l’intérêt de notre autorité morale, exigent que nous ayons sur l’équilibre du Nord une politique définie, décidée, hautement avouée. De deux choses l’une : ou la conférence réussira ou elle échouera. Dans les deux cas, l’événement ne tournerait ni à notre profit ni à notre honneur, si nous avions assisté au différend boutonnés, inertes, passifs, avec mauvaise grâce. Dans l’hypothèse du succès, comme nous aurions tout laissé faire à l’Angleterre, c’est à la politique anglaise que reviendrait tout le mérite ; une réaction s’opérerait au profit de cette politique dans l’opinion européenne. Naguère elle excitait la raillerie, on la montrait s’épuisant dans une agitation stérile, on raillait ses impuissans efforts, on la disait déconsidérée ; mais le succès changerait la physionomie des choses. On dirait alors à l’avantage de cette politique qu’elle aurait pacifié le nord de l’Europe sans risquer une guerre générale ; on la louerait de ne s’être point laissé décourager par de nombreux déboires,