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comme immorales et scandaleuses. C’est bien plus par les disparates que par les ressemblances que se forment souvent ces liaisons qui nous choquent. Un proscrit, un conspirateur européen devient facilement à Londres le lion d’une saison. La société anglaise ne comprend guère nos luttes et nos animosités politiques. Elle a vu souvent aussi le banni et le conspirateur de la veille devenir dans son pays le grand personnage du lendemain ; on la mettrait dans un cruel embarras, si on l’obligeait à deviner d’avance ceux qui seront les favoris de la fortune, et à ne réserver ses égards que pour ceux-là. Du reste, si la société anglaise est exposée à commettre à cet égard quelques imprudences, une fois ces imprudences reconnues, elle les juge avec une juste sévérité. Garibaldi arrive en Angleterre au moment même où la société politique anglaise est encore émue de la révélation des rapports regrettables qui ont existé entre un membre du parlement et du ministère, M. Stansfeld, et M. Mazzini. Dans les circonstances actuelles, il faudra, croyons-nous, que Garibaldi fasse preuve de beaucoup de discrétion et de tact, s’il ne veut point s’exposer à perdre brusquement la faveur de la nation anglaise.

Cet incident des relations de M. Stansfeld avec M. Mazzini, remis en lumière par le procès de Greco, a paru devoir comprometti^e un instant l’existence du cabinet de lord Palmerston. Sans doute personne n’a cru dans le parlement que M. Stansfeld pût être le confident des conspirations auxquelles M. Mazzini est directement ou indirectement mêlé ; mais l’honneur anglais a été blessé à l’idée que l’adresse d’un membre de la chambre des communes et du gouvernement pût se trouver dans la poche de misérables auteurs de complots de meurtre comme un moyen naturel de correspondre avec M. Mazzini. Que M. Mazzini soit coupable ou non des complicités qu’on lui reproche, il est un bien maladroit conspirateur, un homme bien compromettant, puisque les couvertures de lettres que lui prêtent ses amis sont à la disposition des plus vils criminels. Il suffit d’ailleurs, pour que M. Mazzini soit justement suspect et excite la défiance, de rappeler, comme l’a fait sir H. Stracey d’après la Revue des Deux Mondes, l’aveu ironique qu’il publia, il y a quelques années, du concours qu’il prêta autrefois à un projet de complot contre la vie du roi Charles-Albert. La découverte des relations de M. Stansfeld avec M. Mazzini a donc été pour la société anglaise une pénible surprise. M. Stansfeld a rendu cet incident plus désagréable, pour la chambre, le ministère et lui-même, en n’y coupant point court tout de suite par l’exposé complet des rapports qu’il a eus avec le conspirateur italien, par l’expression du regret qu’a dû lui laisser une complaisance inconsidérée. Cet incident a été un contre-temps douloureux pour le cabinet de lord Palmerston. M. Stansfeld représente dans le gouvernement la portion des membres radicaux de la chambre qui soutiennent le ministère. C’est un homme d’un talent réel, qui, comme lord de l’amirauté, a rendu dans le département de la marine des services positifs