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pendant le carême, à moins de permission spéciale ? Les hôtels des princes et seigneurs de la cour devaient être, il est vrai, visités comme les plus modestes hôtelleries; mais à qui croyait-on persuader que l’ordonnance serait exécutée envers tous avec impartialité?


II.

Malgré les excellens résultats obtenus par La Reynie, une ordonnance du mois de mars 1674 créa un second lieutenant de police et l’investit des mêmes fonctions, des mêmes prérogatives que le premier. C’était le temps où Colbert, réduit aux plus fâcheux expédiens de la guerre de Hollande, que prolongeaient la politique hautaine et les exigences imprévoyantes de Louvois, faisait argent de tout et dédoublait, moyennant finance, la plupart des grandes charges. Ici la mesure était trop directement contraire à la nature des choses ; au bout de quelques semaines d’essai, les deux offices furent réunis, « par le motif, disait la déclaration du 18 avril de la même année, que la police, qui a pour objet principal la sûreté, tranquillité, subsistance et commodité des habitans, doit être générale et uniforme dans toute l’étendue de la ville de Paris, et qu’elle ne pourroit être divisée et partagée sans que le public en reçût un notable préjudice. » Ces principes, aujourd’hui élémentaires, n’auraient certes pas été méconnus, si la question d’argent n’avait paru prépondérante, La même déclaration donnait à La Reynie, jusqu’alors simple lieutenant de police, le titre de lieutenant-général de police de la ville, prévôté et vicomte de Paris. Il n’avait pas attendu cette réorganisation pour aviser aux moyens de débarrasser la capitale des coupe-jarrets qui en rendaient le séjour si peu sûr aux honnêtes gens. Un mémoire « pour remédier aux vols et assassinats qui se commettent de nuit dans la ville de Paris par le moyen de corps de garde qu’on pourra établir pour ce sujet » confirme la description de Boileau, et va même au-delà. Ce mémoire, qui remonte aux premières années du ministère de Colbert, débute ainsi : « Le plus grand désordre de la ville de Paris se rencontre dans la saison de l’hiver, pendant lequel, les jours étant courts, les habitans et étrangers sont obligés de se servir des premières heures de la nuit pour vaquer à leurs affaires, et lors se commettent plusieurs meurtres, vols et semblables rencontres, d’autant que les soldats du régiment des gardes, les cavaliers venant de leur garnison, les pages et laquais, en sont les principaux auteurs. » Quelques années auparavant (1655), Gui Patin prétendait qu’il était impossible d’empêcher le vol dans une ville où les compagnies du régiment des gardes volaient elles-mêmes impunément. Plus tard, le 26 septembre 1664, il écrivait : «Jour et