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étranger dans un lieu séparé, » et ce fut le seul, quoi qu’on en ait dit, qui mourut lâchement. Bien que le concours de la population eût été immense, l’exécution s’était faite au milieu d’un calme inusité. Revenant le lendemain sur les accusés qui restaient à juger, La Reynie conclut pour leur mise en liberté en faisant observer que, si l’arrêt n’en avait pas même parlé, c’était à raison de leur innocence présumée.

Ce sage conseil, qui honore le magistrat, prévalut sans doute, car aucun document ne mentionne des condamnations nouvelles se rattachant à l’affaire du chevalier de Rohan. D’autres complots marquèrent-ils cette période du grand règne? On peut l’affirmer hardiment, et d’ailleurs la certitude existe que des passions mauvaises continuèrent à fermenter. Ainsi le 20 février 1682 cet auditeur à la chambre des comptes dont il a été question dans le procès des poisons, Jean Maillard, fut condamné à mort pour n’avoir pas révélé des projets criminels contre le roi. Sept années plus tard, le 4 octobre 1689, le marquis de Seignelay écrivait à La Reynie pour l’informer d’une conspiration contre Louis XIV et contre l’état. « Il y a sept personnes, ajoutait-il, qui doivent être arrêtées et conduites à Vincennes, et comme il est important qu’elles n’aient aucune communication, le roi veut que vous y alliez vous-même pour faire préparer les logemens...[1] » Heureusement aucun de ces projets n’aboutit, et sauf quelques cas exceptionnels, comme dans les affaires de Bonnesson, de Roux de Marcilly et du chevalier de Rohan, ils restèrent le secret de la police. Ce règne, l’un des plus longs de nos annales, et qui eut aussi ses agitations, aujourd’hui trop oubliées, ne fut souillé par aucune tentative sérieuse d’assassinat. Ces fureurs criminelles, qui ont, hélas ! réveillé tant de fois en sursaut la France du XIXe siècle, s’arrêtèrent devant Louis XIV. Leur dernière explosion avait, il est vrai, été terrible, car en frappant dans la force de l’âge, le 14 mai 1610, le prince chez qui tant de fermeté et de courage, de bon sens et de grandes vues s’unissait aux plus vives qualités de l’esprit, le monstre du fanatisme avait fait à la France, au triple point de vue de son influence extérieure, de sa prospérité et du développement régulier des libertés publiques, une blessure que nulle autre n’égala jamais.

C’est encore pendant l’administration de La Reynie que survint un des plus graves incidens qui aient troublé notre pays. Tant que vécut Turenne, la question religieuse, traitée avec les ménagemens que commandait la raison politique, ne causa au gouvernement de Louis XIV que des difficultés d’un ordre secondaire. A la mort de Tu-

  1. Archives de l’empire, Registres des secrétaires d’état, 1689.