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est malheureusement certain, car c’est un fait trop évident que les grosses armées, à mesure que leur existence se prolonge, s’estiment de plus en plus nécessaires, et, par l’influence qu’elles acquièrent, trouvent des facilités toujours croissantes pour s’enfler encore. La pléthore des cadres militaires, outre qu’elle ruine les budgets, nourrit la passion des combats, et il arrive alors que ce ne sont plus les armées qui sont faites pour les guerres, mais les guerres qui sont faites pour les armées. Puisse la nécessité d’entretenir près de quatre cent mille soldats ne pas devenir pour l’Italie un mal chronique! C’est le vœu qu’on forme tout naturellement dès que l’on considère la situation économique du nouveau royaume, l’état de ses finances, de son commerce et de son industrie.


III.

Que les résultats politiques obtenus par l’Italie vaillent bien quelques milliards, on l’accordera sans doute, et qu’il y ait eu un grand désordre financier à l’époque de la constitution du nouveau royaume, personne ne s’en étonnera; le moment est venu cependant où il faut régler les dépenses d’après les recettes. Les anciens gouvernemens ont laissé des budgets modestes, mais assez bien équilibrés. Les gouvernemens provisoires qui précédèrent les annexions furent entraînés à augmenter les charges du trésor. Sans parler des taxes qui se trouvaient supprimées par le fait de l’unité italienne, comme par exemple les recettes des douanes intérieures, ils renoncèrent, pour flatter les populations, à plusieurs sources de revenus; ils se hâtèrent, pendant la période de transition, de mettre le plus possible à la charge du trésor les dépenses locales, et d’assigner au contraire aux provinces des revenus qui appartenaient précédemment à l’état : ils multiplièrent les emplois, ils augmentèrent les traitemens. Tous ces précédens ont créé de véritables difficultés pour l’avenir. En 1861, il y eut un budget général présenté pour l’Italie du nord et du centre, et deux budgets spéciaux, l’un pour les provinces méridionales, et l’autre pour la Sicile. En réunissant les élémens de ces divers budgets, on arrive à un résultat qui s’exprime facilement en chiffres ronds. Au commencement de l’année 1861, la dette du nouveau royaume était d’un peu plus de 2 milliards, dont 1 milliard seulement provenait des anciens gouvernemens, tandis que l’autre appartenait à la période de la guerre et des annexions. L’année 1861 donna par elle-même un demi-milliard de recettes et 1 milliard de dépenses. C’est, comme on voit, un compte aisé à établir; la dette s’accroissait d’un demi-milliard. Il fallut dès cette année faire un premier emprunt. En 1862, on fit un seul budget pour