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n’est point à cette ancienne éducatrice de l’Europe, ce n’est point à )a patrie de tant d’écrivains, de tant d’artistes, de tant de savans dont les œuvres sont devenues le patrimoine commun de l’humanité, qu’il faut demander si elle conserve encore des forces pour les productions de l’esprit et la culture des hautes études. Personne ne s’étonnera d’ailleurs qu’en ce moment l’activité intellectuelle des Italiens soit principalement absorbée par l’organisation des forces politiques et économiques du pays : à chaque jour suffit sa tâche; mais nous n’en sommes plus à penser que le développement matériel d’une société doive en étouffer le développement intellectuel. Si l’on considère dans l’histoire des nations européennes d’une part les améliorations de la vie politique et civile, ainsi que la production croissante des moyens de bien-être, et d’autre part l’accroissement des connaissances, l’épanouissement de la pensée, on reconnaît que les progrès qui sont de l’ordre des faits et les progrès qui sont de l’ordre des idées ont entre eux une relation tellement intime qu’ils s’appellent et se complètent nécessairement. De ces deux élémens de la civilisation, tantôt l’un, tantôt l’autre prédomine; mais ce que l’un gagne profite à l’autre, et c’est un caractère de notre époque que les conquêtes sociales et les conquêtes intellectuelles y ont entre elles des rapports de plus en plus étroits et immédiats. Si l’Italie, après de longs siècles d’attente, a pu enfin commencer à régler plus heureusement son existence intérieure, ne le doit-elle pas en grande partie aux sympathies, à la gloire qu’elle s’est acquises par son éclatante aptitude pour les travaux de la pensée et les arts qui embellissent la vie? Cette aptitude séculaire, favorisée par les conditions nouvelles où se trouve placée la société italienne, lui assure dans les destinées intellectuelles de l’Europe un rôle digne de son passé.


EDGAR SAVENEY.