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le long des côtes sans perdre de vue rentrée du port, empressés d’y aborder chaque fois que nous pourrons le faire suns mettre en péril ces intérêts, qui sont aussi ceux de la France. »

Grâce à cette politique, un grand nombre de proliibitions ont été successivement levées, de nombreuses réductions de tarifs s’élevant de 22 à 75 pour 100 ont eu lieu sans secousse sur les houilles, les fers, le cuivre, le zinc, les laines en masse, le coton longue-soie, les bois précieux, etc. Pendant ce temps, il est vrai, un petit nombre d’articles étaient l’objet d’une augmentation de tarifs ; mais, toute compensation faite, on peut estimer à 12,700,000 francs[1] environ par année les allégemens procurés aux contribuables par la marche progressive du gouvernement de 1830 vers l’adoucissement des tarifs des douanes.

Je le répète, qu’on ne voie pas dans ce récit, tiré de souvenirs écrits il y a près de vingt ans, une critique indirecte de mesures récentes. Nous voulons seulement mettre en lumière ce fait incontestable, que le bien-être et l’amélioration du sort des ouvriers ont été l’une des préoccupations constantes de la monarchie constitutionnelle et parlementaire de 1830.

Ces pensées généreuses, qui avaient pour objet d’élever incessamment la condition morale et matérielle des classes qui travaillent pour vivre, s’adressaient surtout au présent dans la personne des hommes faits et des chefs de famille ; elles firent une part non moins large à l’avenir en offrant partout à l’enfance des asiles ou des écoles qui étaient gratuites pour les plus pauvres, et un enseignement toujours en rapport avec les différens âges qui précèdent celui de l’activité sociale.

Mais il est un monument touchant de cette sollicitude pour l’enfance qui mérite d’abord de fixer notre attention, je veux parler de la loi qui a étendu sa protection sur les enfans employés dans les manufactures. Il est assurément d’une notoriété universelle et banale que le Bulletin des lois, quelque instructif qu’il soit, offre une lecture des plus arides. Eh bien ! nous osons affirmer que la page détachée de la loi du 22 mars 1841 ne saurait être lue sans émotion. Cette loi, constamment perfectionnée dans le même esprit, grâce aux lumières de quatre discussions successives, n’a rien négligé de ce qu’aurait pu suggérer la sollicitude du père de famille le plus tendre et le plus éclairé. « Tout travail, dit le législateur, est interdit aux enfans avant l’âge de huit ans, aussi bien que tout travail de nuit avant treize ans accomplis ; au-dessus de cet âge, j’arme le pouvoir exécutif des moyens d’interdire certains ti’avaux, de veiller à l’observation des fêtes et des dimanches, d’empêcher tout châtiment abusif, de procurer à tous l’instruction primaire et l’enseignement religieux, et d’assurer les conditions de salubrité et de sûreté nécessaires à la vie et à la santé des enfans ; enfin je décrète le principe d’une inspection protectrice qui a le droit de se faire ouvrir toutes les portes et de se faire présenter tous les registres. »

  1. Ce chiffre, dont l’exactitude ne saurait être contestée, a été établi et pubilé en 1848 par M. Lacave-Laplagne, ancien ministre des finances.