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On pense bien que le jeune gars est furieux de trouver un rival dans son bienfaiteur. Pendant que le vieux Jérôme va chercher le notaire pour son propre compte, les deux amans restent seuls à la maison. Après s’être un peu querellée avec Germain, Sylvie, se frappant le front, court à une armoire qui est au fond de la chambre, et elle en tire les habits de noces de Jérôme et les robes et les fichus de sa femme, qu’il a beaucoup aimée. Il paraît que Jérôme et sa fiancée se sont servis des mêmes moyens pour obtenir l’autorisation des parens qui refusaient de les unir. Sylvie et Germain se sont réfugiés chacun dans une chambre pour changer de costume. Jérôme alors arrive tout pétillant dans sa maison. Il est heureux, dit-il en lui-même, de faire le bonheur de Sylvie, qui le mérite bien. Se tournant tout à coup vers la porte, il voit les deux enfans revêtus des habits qu’il avait aussi portés dans sa jeunesse. Il se trouble, il pleure, il s’attendrit, et, ouvrant ses bras, il les presse contre son cœur et les bénit. Cette touchante idylle, jouée par Mlle Girard, MM. Sainte-Foy et Ponchard, a été bien accueillie à la première représentation. La musique est jolie, et bien appropriée au sujet et aux caractères des trois personnages. Une ouverture bien dessinée, des couplets, des duos, des trios, dont la mélodie rappelle heureusement les chants du vieux Monsigny, toutes ces qualités prouvent que M. Guiraud est né pour cultiver le genre de l’opéra-comique.

Le Théâtre-Lyrique a repris, il y a quelques jours, la Reine Topaze, opéra en trois actes, dont la musique est de M. Victor Massé et le libretto de MM. Lockroy et Léon Battu. La Reine Topaze, qui fut représentée pour la première fois dans le mois de février 1857, est l’ouvrage le plus important qu’ait produit l’auteur ingénieux des Noces de Jeannette, de Galatée et de quelques opéras qui n’ont pas eu un succès durable. Il nous suffira aujourd’hui de citer quelques morceaux saillans de cet opéra, que nous avons jugé dans le temps avec beaucoup de bienveillance. La scène se passe à Venise, et après une introduction assez heureusement disposée, le capitaine Raphaël raconte sa vie dans un rhythme saillant, — Je suis capitaine. — Une charmante fantaisie est celle où la reine Topaze définit le vol de l’abeille. Nous citerons encore le chœur des gondoliers. Le trio syllabique entre les deux bohémiens et la reine est bien en situation. Le second acte s’ouvre par un dialogue à demi-voix :

Rira bien celui-là
Qui le dernier rira!


que la reine et Raphaël chantent tour à tour, exprimant leur gaîté par des éclats de rire heureusement enchâssés dans quelques notes chromatiques bien choisies. Le second et le troisième acte contiennent encore une foule de morceaux et de scènes piquantes qu’il suffit d’indiquer, et qui justifient le succès qu’obtient pour la seconde fois la Reine Topaze au Théâtre-Lyrique,


PAUL SCUDO


V. DE MARS.