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la position du plan d’oscillation, de sorte que l’expérience, telle que je viens de la décrire, doit réussir au pôle dans toute sa pureté.

« Mais, quand on descend vers nos latitudes, le phénomène se complique d’un élément assez difficile à apprécier, et sur lequel je désire bien vivement d’attirer l’attention des géomètres. À mesure que l’on s’approche de l’équateur, le plan de l’horizon prend sur l’axe de la terre une position de plus en plus oblique, et la verticale, au lieu de tourner sur elle-même comme au pôle, décrit un cône de plus en plus ouvert ; il en résulte un ralentissement dans le mouvement apparent du plan d’oscillation, mouvement qui s’annule à l’équateur pour changer de sens dans l’autre hémisphère. Pour déterminer la loi suivant laquelle varie ce mouvement sous les diverses latitudes, il faut recourir soit à l’analyse, soit à des considérations mécaniques et géométriques que ne comporte pas l’étendue restreinte de cette note. Je dois donc me borner à dire que les deux méthodes s’accordent, en négligeant certains phénomènes secondaires, à montrer le déplacement angulaire du plan d’oscillation comme égal au mouvement angulaire de la terre dans le même temps multiplié par le sinus de la latitude. »


M. Foucault décrit ensuite l’expérience dont, comme chacun sait, la réalisation est des plus faciles. Dès la séance suivante, un géomètre habile, membre de la section de géométrie, s’empressa de montrer « comment l’expérience importante de M. Foucault aurait pu être indiquée par les équations du mouvement interprétées sans inadvertance. » Les équations, qui auraient pu indiquer l’expérience de M. Foucault, avaient en effet été formées depuis longtemps : elles indiqueraient bien d’autres choses encore, si on savait les faire parler ; mais, interrogées par le célèbre géomètre Poisson, elles lui avaient répondu que « la force perpendiculaire au plan d’oscillation est trop petite pour écarter sensiblement le pendule de son plan et avoir aucune influence appréciable sur son mouvement. » Dubuat, Clairault et Poléni avaient, avant Poisson, étudié mathématiquement l’influence du mouvement de la terre sur les oscillations du pendule. Le phénomène si simple et si concluant qui a tout d’abord frappé M. Foucault, à peine entrevu par Poléni, était resté complètement inaperçu de Clairault et de Poisson.

L’expérience attira l’attention des savans les plus illustres, autant et plus encore peut être que celle des ignorans : la table des comptes-rendus de l’Académie porte, en 1851, vingt-six articles au mot pendule ; il n’y en avait pas un seul en 1850. MM. Binet, Sturm, Poncelet, Plana, Bravais, Hansten, Quet, Dumas en ont fait successivement le sujet de leurs études analytiques. Leurs travaux sont de grande valeur sans doute, mais l’explication la plus nette et la plus élégante du phénomène reste encore celle que M. Foucault donnait à ses amis, en s’aidant, pour plus de clarté, d’une petite boule de bois sur laquelle il avait tracé les lignes qui l’ont aidé à trouver la loi du phénomène.