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preuve décisive d’un rare mérite. Lorsque le terrain sur lequel on se place a été longtemps parcouru par des chercheurs aussi instruits qu’empressés, il faut beaucoup de bonheur pour y découvrir des voies nouvelles ; si ce bonheur n’accompagne pas toujours le talent, on comprend que sans lui il serait impossible, et lorsqu’il est plusieurs fois renouvelé, le sentiment équitable des juges éclairés lui accorde un autre nom que l’avenir ne contestera pas, j’en ai la conviction, à l’ensemble des travaux de M. Foucault.

Faut-il pour cela le choisir pour guide, et conseiller aux jeunes gens qui cherchent leur voie de suivre son exemple et d’appliquer la méthode d’étude et de recherche qui lui a si bien réussi ? Ce serait les engager dans une difficile entreprise et oublier qu’il a été dit : qui aime le péril y périra ; l’étude du passé est le guide le plus sûr de l’avenir. À aucune époque peut-être l’instruction scientifique n’a été plus fortement organisée que de nos jours ; nos grandes écoles, gardiennes des traditions les plus élevées, la répandent avec abondance et fortifient leurs élèves par des exercices continuels et savamment gradués ; des cours publics, conduisant leurs auditeurs jusqu’aux dernières cimes de la science, leur permettent de satisfaire presque sans travail une légitime et nécessaire curiosité ; les théories, exposées et discutées au moment même où elles viennent de prendre naissance, sont rendues claires et intelligibles à tous. On signale les progrès qui restent à accomplir, les calculs qu’il serait utile d’entreprendre, les expériences qui décideraient un point douteux, et chacun peut, selon ses goûts, ses forces et son degré d’instruction, choisir sa tâche et contribuer à l’œuvre commune. Tout travailleur de bonne volonté est accueilli avec bienveillance ; on lui montre la trace de ceux qui l’ont devancé, en lui livrant, pour l’aider à la suivre, toutes les richesses qu’ils ont acquises : des méthodes sûres et longuement éprouvées lui donnent en quelque sorte la certitude du succès ; il peut, s’il le veut, avec de tels soutiens, apporter au progrès son modeste contingent et faire les premiers pas dans la route où l’on devient célèbre. Un débutant doit profiter de ces précieux secours : c’est le seul conseil prudent que l’on puisse lui donner, en souhaitant peut-être tout bas qu’il se sente assez fort pour ne pas le suivre.


J. Bertrand.