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pitalité à Polybe. On voit que cette tendance se manifesta chez elle de fort bonne heure, et le vieux Scipion Barbatus, qui prend soin de nous apprendre que sa beauté répondait à son courage, nous fait souvenir de son petit-fils l’Africain, que Fabius, son rival jaloux, accusait de se promener en manteau long dans les gymnases, et de passer tout son temps à lutter ou à lire comme un Grec de Syracuse ou d’Athènes.

Je ne puis pas insister ici sur toutes les réflexions que peuvent nous suggérer les inscriptions recueillies par M. Mommsen. C’est au volume lui-même qu’il faut renvoyer les gens décidés à s’instruire. Tous, à quelque genre d’études qu’ils se soient adonnés de préférence, pourront en tirer quelque profit. Il servira aux historiens à contrôler les récits de Tite-Live, et, quand ils compareront par exemple le sénatus-consulte des bacchanales que nous avons conservé avec le résumé si exact qu’en donne l’historien, ils prendront plus de confiance dans sa véracité, tant de fois contestée. Les jurisconsultes y trouveront les textes des lois les plus anciennes dont on ait gardé des copies, surtout celui de la loi agraire attribuée à Sp. Thorius, et de la célèbre loi municipale de César, avec les explications les plus lumineuses de M. Mommsen. Les littérateurs et les simples curieux auront beaucoup à y apprendre sur les mœurs, les usages, les croyances et les caractères de ce temps, car le hasard, à côté des monumens les plus graves, nous en a conservé d’autres qui sont en apparence plus futiles, mais qui nous font pénétrer bien plus loin dans la vie intime et familière des Romains. Telles sont par exemple ces imprécations placées dans des tombeaux par des amoureux mécontens qui confient leur vengeance aux bons offices des morts, ou ces tablettes de marbre et d’airain qui contiennent la bonne aventure, ou même ces balles de plomb des soldats, sur lesquelles on inscrivait des plaisanteries amères ou obscènes contre les ennemis, pour les insulter en les frappant, et qu’on recueille en si grand nombre sur les anciens champs de bataille. Que de choses n’y trouvons-nous pas dont les historiens n’ont pas parlé, et qui nous rendent l’histoire plus vivante ! Mais ceux qui feront dans le volume de M. Mommsen la plus abondante moisson de remarques utiles, ce sont encore les philologues. La vieille langue latine n’est plus que là. Les œuvres de Plaute et de Caton nous en ont bien conservé l’esprit, mais la forme a disparu. Leurs manuscrits, renouvelés de siècle en siècle par ceux qui s’en servaient et mis toujours à la dernière mode, n’ont pas gardé l’ancienne orthographe, le tour de la phrase, le véritable caractère de la langue qu’ils parlaient. Tout cela ne se retrouve que dans les inscriptions, témoins immuables du passé, et qui ne changent pas avec les modes nouvelles. Le