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Mommsen, de Rossi, n’appartiennent pas à la France. Il faut bien reconnaître que l’Italie et l’Allemagne se livrent avec plus d’ardeur que nous à l’étude de l’archéologie ancienne. L’Italie n’a jamais cessé de s’en occuper depuis la renaissance ; c’est pour elle un culte de famille. L’Allemagne, qui ne l’a jamais négligée non plus, semble s’être tournée de ce côté avec plus de passion encore depuis quelques années. La France ne vient qu’au troisième rang. C’est une infériorité dont on ne se préoccupe guère chez nous, mais qui a cependant inquiété quelques esprits sérieux. Elle a surtout servi de prétexte, dans ces dernières années, pour attaquer notre enseignement public. On s’est demandé comment l’université et l’École normale, qui ont fourni tant d’hommes distingués à la philosophie, à l’histoire et aux lettres, ont si peu produit de véritables érudits, quand c’était, à ce qu’il semble, leur véritable mission d’en produire. Un événement dont le souvenir n’est pas oublié a mis ce fait étrange en pleine lumière. Lorsqu’on 1852 des rigueurs maladroites, en jetant hors de l’enseignement presque toute une génération de jeunes professeurs, leur rendirent la liberté de se livrer à leur vocation naturelle, ils se firent publicistes, critiques ou romanciers; mais parmi tant d’aptitudes diverses qu’ils révélèrent tout d’un coup il n’y eut que les travaux d’érudition, auxquels ils semblaient préparés par leurs études antérieures, qui ne tentèrent personne. C’est là une singularité que je ne prétends pas défendre, mais dont il est facile de rendre compte. Tout s’explique, si l’on réfléchit un moment au caractère de notre enseignement public, à la part qu’il fait à la littérature, aux conséquences qu’il a pour la science.

Les étrangers qui nous visitent sont d’ordinaire fort surpris quand ils examinent l’organisation de notre enseignement national. Il est certain qu’il ne ressemble pas à celui des autres pays; mais ce n’est pas un motif de le condamner, si l’on peut prouver qu’il est mieux accommodé qu’un autre au tempérament de la France. Tel qu’il est, il ne date pas d’hier; voilà plus de deux cents ans qu’il s’est constitué, et c’est assurément une des choses les plus anciennes qu’il y ait dans la France nouvelle. Dès le commencement du XVIIe siècle, toutes les corporations religieuses ou laïques qui se disputent ou se partagent chez nous le droit d’enseigner sont à peu près animées du même esprit. Elles s’éloignent de plus en plus des recherches érudites qui étaient à la mode au siècle précédent et n’étudient plus l’antiquité que par son côté littéraire et mondain. Si l’enseignement des jésuites a joui alors d’une si grande vogue, c’est qu’ils semblent être entrés plus résolument que les autres dans cette voie, et le Traité des études de Rollin nous montre que l’université de Paris, quelque antipathie qu’elle éprouvât pour eux, ne tarda pas à les