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M. Waddington, prendre une idée juste de cette branche importante du commerce de l’antiquité; on peut refaire le trousseau d’une grande dame ou la garde-robe d’un élégant du IVe siècle après Jésus-Christ. Nous connaissons exactement la qualité ou la valeur des étoffes et le prix de la main-d’œuvre, nous savons ce que coûtaient alors les torchons, les toiles à matelas, les draps de lit, les bandelettes qu’on enroulait autour des jambes et qui remplissaient l’office de nos bas, et même les serre-tête, car les Romains aussi s’en servaient. Nous pouvons évaluer le prix des tapis de toute sorte, des pourpres de toute qualité, des vêtemens de toute étoffe et de toute façon, depuis les simples tuniques de laine portées par les pauvres gens jusqu’à ces tissus de soie, si transparens et si fins, que recherchaient avec tant de passion les femmes du monde, et dont Pline dit qu’ils les déshabillaient beaucoup plus qu’ils ne les habillaient (denudat feminas vestis). Quoique l’édit s’applique surtout à l’Orient, il y est souvent question des vêtemens fabriqués en Gaule, car, comme le fait très bien remarquer M. Waddington, les Gaulois exerçaient déjà sur les modes du monde romain la même influence qu’exercent leurs descendans sur celles de l’Europe moderne. Ils avaient introduit partout leurs braccœ, qui sont devenues notre pantalon, vêtement plus commode qu’élégant; le sagum, ample manteau dont les Romains avaient fait leur habit de guerre, et un peu plus tard le caracalla, sorte de robe longue avec un capuchon, dont le nom resta au fils de Septime-Sévère, qui le mit à la mode, et que les moines portent encore. Le dernier service que nous rend ce curieux édit, c’est de nous faire connaître la persistance de certaines industries dans certaines localités. Ainsi on travaille encore aujourd’hui à Mossoul et à Diarbekir ces étoffes transparentes dont la Syrie fournissait autrefois tout le monde romain, et dès le temps de l’empire, il y avait à Arras des fabriques de draps qui expédiaient leurs produits jusqu’au fond de l’Orient. J’ai tenu à faire connaître en quelques mots l’intérêt et l’importance du travail de M. Waddington. Ce commentaire sur l’édit de Dioclétien nous montre que le recueil commencé par M. Le Bas ne pouvait, après lui, tomber en de meilleures mains, et que la suite de cette publication utile sera tout à fait digne du savant qui l’avait commencée et de l’Académie qui la patronne.

A côté des œuvres importantes entreprises ou encouragées par l’Académie des Inscriptions, il faut placer les résultats déjà connus des voyages scientifiques exécutés en Grèce et en Asie par l’ordre du gouvernement français. Ces résultats ont dépassé toutes les espérances. Il semble que cette archéologie militante qui va conquérir ses trésors dans des pays étrangers et quelquefois inconnus, au