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La mention que je viens de faire des missions scientifiques m’amène naturellement à parler de notre école d’Athènes. C’est de là que sortent la plupart des jeunes et hardis voyageurs dont j’ai cité les noms. Avant de partir pour ces expéditions savantes, ils avaient passé plusieurs années en Grèce; ils s’étaient familiarisés avec les monumens dont elle est pleine; ils avaient pris le sens et l’intelligence de l’antiquité grecque en étudiant les débris qui nous en restent. Ils étaient donc mieux préparés que personne à aller explorer l’Orient, et cette expérience des ruines qu’ils avaient acquise en vivant au milieu d’elles devait rendre leurs recherches fécondes. Voilà quel genre de services nous sommes surtout en droit d’attendre de l’école française d’Athènes; elle doit nous former des archéologues. Nous n’envoyons pas en Grèce des littérateurs oisifs qui se contentent d’admirer le spectacle dont on jouit du haut de l’Acropole ou d’aller rêver de Platon au cap Sunium; il ne nous suffit pas qu’on nous rapporte de si loin, pour toute conquête, quelques phrases sonores sur la transparence du ciel ou la découpure des côtes : le résultat serait petit pour un si long voyage, il faut qu’on aille y chercher une science plus solide et qu’on en revienne avec des travaux plus sérieux. C’est du reste ce que l’école a vite compris. Après quelques tâtonnemens qu’expliquent les incertitudes du début, elle a trouvé sa véritable voie, et y est courageusement entrée. Dieu merci, nous ne sommes plus au temps où l’on songeait à instituer des cours de littérature française pour les belles dames d’Athènes, et où l’on disait, sans rire, qu’il nous fallait enseigner aux Grecs leur vieille langue qu’ils ne savent plus. Le retentissement qu’eurent par toute l’Europe les belles découvertes de M. Beulé montrèrent à l’école de quel côté était son avenir, et depuis ce moment elle est devenue pour la France une sorte de séminaire archéologique. Si les travaux de ses élèves recevaient la publicité qu’ils méritent, on verrait avec quelle ardeur et quelle intelligence ces jeunes gens parcourent et fouillent la Grèce et l’Orient, et l’on comprendrait quels services ils sont appelés à rendre à l’archéologie, à l’histoire et à la géographie anciennes.

Le plus récent de ces travaux est peut-être aussi un des plus importans que l’école nous ait encore envoyés. Je veux parler des inscriptions trouvées à Delphes par MM. Wescher et Foucart. Il ne reste plus de ce temple fameux, qui se disait le centre religieux du monde, que les substructions immenses sur lesquelles il était assis. Elles supportent aujourd’hui tout un village, qui se presse sur la plate-forme de l’ancien temple. L’illustre Ottfried Müller s’occupa le premier à les déblayer. Il s’était mis avec ardeur à cet ouvrage, qui semblait lui promettre de riches découvertes, et il avait déjà