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mencèrent à manquer de nourriture, ce fut également la commission de santé qui se chargea de leur faire parvenir par envois réguliers les provisions de toute espèce expédiées à leur intention de New-York et de toutes les grandes villes du nord.

Les statistiques prouvent que la mortalité des soldats est beaucoup moins forte dans l’armée des États-Unis qu’elle ne l’est dans la plupart des armées européennes en temps de guerre. Du milieu de l’année 1861 à la fin de 1863, la moyenne annuelle des morts dans les régimens fédéraux a été de 65 pour 1,000, c’est-à-dire inférieure de 4 pour 1,000 environ à la mortalité de l’armée anglaise des Indes et à celle des soldats français qui font le service de garnison dans les Antilles. Aux États-Unis, le nombre des morts s’est élevé à 165 pour 1,000 pendant la désastreuse campagne du Chickahominy, alors que les troupes campaient sur un sol de vase fermentant au soleil de l’été[1]. Cette mortalité est certainement formidable ; mais elle paraît faible en comparaison de celle des Français dans la Dobrutscha et des Anglais en Crimée. Pendant les trois mois qui précédèrent l’arrivée des alliés sous les murs de Sébastopol, le nombre moyen des morts de l’armée anglaise, ramené à l’année entière, n’était pas moindre de 293 pour 1,000 ; les trois mois suivans, il s’élevait à 511 pour 1,000 ; en janvier 1855, il atteignait le taux annuel effrayant de 1,174 pour 1,000, c’est-à-dire que, si la mortalité avait continué dans les mêmes proportions, il eût fallu renouveler complètement l’armée tous les trois cents jours. Et cependant le climat de la Crimée et de la Turquie diffère beaucoup moins de celui de la Grande-Bretagne que le climat du Texas, de la Louisiane, de la Caroline du Sud, ne diffère de celui du Maine, du Minnesota, du Michigan. Chose étonnante, malgré le déplacement des soldats du nord vers les régions en grande partie basses et marécageuses des états du sud, malgré les nombreux fermens de maladie qui doivent nécessairement se dégager de toute agglomération d’hommes, les épidémies proprement dites ont été rares dans l’armée des États-Unis. La fièvre jaune, ce fléau que les confédérés invoquaient comme leur meilleur allié contre l’ennemi, n’a pas fait une seule fois son apparition à la Nouvelle-Orléans depuis que cette ville est occupée par des régimens venus de New-York et du Massachusetts. Les mesures sanitaires prises contre la terrible maladie en ont complètement prévenu l’éclosion pendant les deux dernières années : elle ne s’est montrée qu’à Wilmington, ville de la Caroline du Nord occupée par les séparatistes. Enfin, depuis la ba-

  1. Pendant la guerre du Mexique, les Américains perdaient sept fois plus de soldats pour cause de maladies que par suite de blessures : dans la guerre civile qui dure depuis 1861, les maladies sont encore quatre fois plus meurtrières que les batailles.