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Les trois provinces que nous venions, à une si grande distance, d’englober dans l’empire français avaient une haute importance, tant sous le rapport topographique que sous le rapport de leur richesse territoriale. Elles composaient dans le royaume annamite une sorte de vice-royauté et prenaient ensemble le nom de Gia-dinh ou Basse-Cochinchine, appliqué plus tard spécialement à la province dont Saïgon était le chef-lieu. Des frontières naturelles encadrent et protègent tout ce territoire. Du côté de l’est et du nord, notre nouvelle possession est bornée par une chaîne de montagnes qui permet de la garantir de toute attaque. Le danger ne lui pourrait venir que du côté de la mer, où le pays est plat; mais le feu de nos canonnières aurait bientôt raison des assaillans. Les limites à l’ouest et au sud sont le Cambodge et la mer; mais, grâce aux rivières et aux affluens qui y facilitent la défense, les périls du dedans et du dehors ne sont guère à craindre.

La superficie totale de ce territoire peut être évaluée à seize cents lieues carrées; le chiffre de la population s’élève à près d’un million d’âmes. Deux fleuves, le Donnaï et le Cambodge, et des canaux creusés par l’homme ou la nature relient entre elles les trois provinces et y entretiennent la fertilité. Saïgon, la ville la plus importante de cette partie du royaume d’Annam, est le siège de notre gouvernement. On y arrive de l’extérieur par le cap Saint-Jacques, merveilleusement placé pour défendre le Donnaï, qui mène à notre établissement. La montagne de Gand-rai, à laquelle ce nom de Saint-Jacques a été donné, se découpe en un croissant dont les deux pointes, s’étendant au large dans la mer, forment une enceinte semi-circulaire où les flots viennent dormir. C’est la baie de Vimg-tan, où des flottes pourraient mouiller et trouveraient un excellent port; il n’y existe ni bancs de sable, ni écueils, ni roches, et les bâtimens y séjournent en toute saison sans redouter les coups de vent. De ce mouillage, on pénètre dans l’embouchure du Donnaï, très beau fleuve qui, sur un parcours de quatre-vingts milles, peut porter les navires du plus fort tonnage. Ses rives échancrées s’ouvrent çà et là pour donner issue à de nombreux cours d’eau (arroyos) qui se déversent dans son lit. Ce sont des routes naturelles au moyen desquelles on pénètre dans l’intérieur des terres. Saïgon est dans une position admirable. En communication avec la mer, dont elle n’est éloignée que d’une quinzaine de lieues, la ville est rattachée à Mitho et à Bien-hoa, chefs-lieux des deux autres provinces acquises à la France, par deux bras du Donnaï, s’étendant l’un à l’est, l’autre à l’ouest. Elle se relie par un canal à l’embouchure du grand fleuve du Cambodge, qui déploie ses rameaux comme les doigts d’une main colossale ouverte pour le transport et l’échange des produits. Ainsi le siège