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qu’on leur a fait espérer, ils pourront au moins découvrir directement et vite les lacunes de la nouvelle législation ; ils sentiront en fait que, s’ils ne sont point affranchis d’une législation de classes, c’est que les libertés de réunion et d’association manquent encore à l’organisation politique. Ils seront alors aux prises avec les sycophantes de la démagogie absolutiste. Ils comprendront que la liberté seule, la liberté politique complète, peut leur donner les garanties que d’autres leur ont vainement promises pour leur dignité sociale et pour leur bien-être matériel. Ce sera pour les masses populaires et pour ceux qui obtiennent leur confiance le commencement d’une éducation expérimentale qui devra tourner au profit des idées libérales ; mais, si nous ne sommes pas de ceux qui souhaitent l’avortement de la présente loi, notre enthousiasme ne nous emporte point jusqu’aux hauteurs où l’honorable rapporteur de la commission, M. Émile Ollivier, s’est élevé dans la brillante péroraison de son discours. On peut très consciencieusement, et sans tomber dans le pessimisme décrit par Mallet-Dupan, éprouver un goût médiocre pour un progrès qui, sous des apparences fastueuses, n’apporterait que des résultats insignifians. À ce sujet, parler des fautes prétendues, en tout cas anciennes, du parti libéral, évoquer contre ceux qui ne trouvent point la loi des coalitions suffisante le souvenir des émigrés, déplorer l’aveuglement de ceux qui ont sacrifié le développement successif des institutions à la satisfaction implacable de leurs rancunes personnelles, c’est fort éloquent sans contredit ; mais est-ce bien opportun ? N’est-ce point prendre une attitude trop solennelle pour l’occasion et se draper dans un costume trop large et trop flottant pour la circonstance ? Ceux qui dans l’enceinte de la constitution opposent à une politique restrictive les conseils d’un libéralisme modéré, mais ferme, font tout justement le contraire des émigrés et des pessimistes de Mallet-Dupan : ils sont les plus intelligens amis des institutions existantes, puisqu’ils font d’incessans efforts pour les améliorer. Ce ne sont point ceux-là qui contribuent par une abstention hostile au renversement des Roland et des Martignac. À propos, si nous avions l’honneur d’être le collègue de l’aimable et éloquent rapporteur de la commission, si nous avions le droit de l’interpeller, nous serions curieux de savoir quel est le Roland mystérieux ou le fantastique Martignac qu’il entrevoit à travers les obscurités vaporeuses de la loi des coalitions.

La discussion du budget va s’ouvrir enfin, et nous espérons que cette année la controverse sur la situation financière sera plus étendue, plus approfondie et plus instructive qu’elle ne l’était autrefois. Au surplus, le débat s’engagera sous de favorables auspices, grâce à la lettre écrite par l’empereur au ministre des finances. Nous avions toujours pensé que l’acceptation du trône du Mexique par l’archiduc Maximilien serait pour nos finances un joyeux événement. L’aubaine a été plus belle encore qu’on ne s’y attendait. Nous n’avons pas seulement l’espoir de recouvrer les dé-