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recom- la Pologne, envers laquelle ils ont été bien froids. Voici qu’aujourd’hui de Rome même, de la bouche du pape part, sous le coup d’une indignation qui ne peut plus se contenir, un saint anathème contre les cruautés que le gouvernement russe commet en Pologne, Le gouvernement russe ferait bien d’y prendre garde : quand, venant d’extrémités si opposées, deux voix, celle de Garibaldi et celle du pape, s’unissent pour maudire les mêmes persécutions, c’est un grand cri de la conscience humaine qui se fait entendre, et ce cri, le gouvernement russe ne pourra pas le braver toujours impunément.


E. FORCADE.


SILVES, par M. Auguste BARBIER[1].


La renommée de l’auteur des Iambes comme poète satirique était faite, et glorieusement faite, depuis 1830; mais M. Auguste Barbier, reconnaissons-le aujourd’hui, n’avait pas mis son âme tout entière dans la satire : d’autres cordes vibraient en lui. M. Barbier, dans quelques pièces des Silves, nous montre le côté rêveur de son imagination. Les morceaux de pure fantaisie qu’il nous apporte aujourd’hui sont, dit-il, de simples essais, œuvres de sa jeunesse. Ils n’en méritent pas moins une lecture attentive, car on peut y saisir, grâce à l’ordre des dates, la série des évolutions accomplies discrètement et comme à l’écart par cette seconde vertu poétique, nourrie en lui de caprice et de rêverie.

En dehors de certaines poésies à fleur d’âme, intimes et de circonstance, rangées au nombre des Silves, il y a dans ce recueil un fond solide de méditation sur lequel il faut s’arrêter; c’est ce que l’on pourrait appeler la troisième manière de M. Barbier. M. Barbier est vraiment un poète penseur; les regards qu’il jette mélancoliquement à droite et à gauche sur l’arbre et l’insecte, la fleur et l’onde, découvrent des choses vivaces et intéressantes. Ne craignez pas de vous égarer avec lui aux régions de brumes et de fumée; n’ayez pas peur de sentir jamais se dérober sous vos pieds le terrain de la vérité et du sens commun ; s’il module une méditation sur les êtres divers de la création, son recueillement demeure tout viril. L’âme domine et plane sur le tout, et le mensonge prestigieux de la cadence n’essaie pas de vous donner le change traîtreusement sur une creuse apparence d’idée ou de sentiment. Certes, pour qui revient, tout meurtri et tout effaré, de ces régions indécises où vous entraînent de nos jours tant de prétendus poètes fantaisistes, il est doux de pouvoir cheminer à l’aise, en face d’horizons réels, sur une chaussée résistante et bien cimentée. En somme, M. Barbier n’est point de ceux à qui le respect et l’attention des contemporains manqueront jamais. S’il abandonne le

  1. 1 vol. in-18, chez Dentu.