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vagues. De l’autre côté se prolonge à une distance infinie le cours sinueux de l’Exe, dominé tantôt par le relief des terres cultivées, tantôt par des bandes arides ou des collines revêtues d’une fauve végétation. Un des grands traits du paysage est la chaîne du Haldon, qui sert de fond au tableau avec ses crêtes montagneuses. Vers le soir, cet horizon semble plus frappant encore à cause des ombres qui s’allongent au penchant des falaises, tandis que la lumière rougeâtre du soleil couchant tombe sur la large et mélancolique surface du fleuve, envahie par des bancs de sable qui ralentissent et contrarient le cours solennel des eaux paresseuses. La station des gardes-côtes est aussi le point de vue le plus favorable pour se faire une idée de la physionomie générale de la ville, bâtie sur la dernière courbe de terrain que décrit l’Exe avant de se jeter décidément dans la mer. Cette situation naturelle était heureusement choisie, mais elle a été bien embellie par l’art. Les rives sur lesquelles s’élèvent aujourd’hui la parade et les autres quartiers élégans de la ville ont été en grande partie conquises sur les eaux au commencement de ce siècle. La jolie promenade du Beacon, sorte de jardin suspendu avec des arbres et des arbustes au feuillage verdoyant, a été découpée par l’ordre de lord Rolle dans les flancs arides d’une ancienne falaise. Un mur long de mille huit cents pieds, gigantesque ouvrage d’architecture maritime comme les Anglais savent en construire dans leurs villes favorites, a été élevé contre le cours inquiétant du fleuve, soumis aux caprices de la marée. Ce mur défie le retour des inondations qui ont plus d’une fois désolé les parties basses d’Exmouth. Cette dernière étant une ville de bains, watering place, le même contraste qu’on remarque entre les quartiers riches et les quartiers pauvres se reproduit sur la grève, où se rendent volontiers les habitans et les étrangers. De la ville haute descendent les baigneurs et les baigneuses, qui, revêtues de riches étoffes et de costumes excentriques, viennent livrer aux vagues leurs longues boucles de cheveux parfumés. La ville basse se trouve représentée au contraire par de pauvres femmes aux membres robustes qui, couvertes de grosses robes de laine bleue, les pieds nus sur le sable, le teint hâlé par la brise de mer, louent les petites voitures de bains et les poussent bravement dans les flots chargés d’écume.

Un peu au-dessus de la grève et tout près de la station des coast-guards s’élève la maison du bateau de sauvetage, life-boat house. C’est une sorte de hangar, mais construit en pierre avec des murs blanchis à la chaux et un toit en chêne verni tout reluisant de propreté. Le bateau occupe naturellement le milieu de la salle, revêtu d’une robe de grosse toile qui le protège contre la poussière. Les hommes de l’équipage président à sa toilette avec le même soin