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habitans, elles deviendraient une source importante de revenue pour le trésor. Voyons donc ce qu’on peut en espérer.


II.

Les principales essences qui peuplent les forêts de la Corse sont le pin laricio, le pin maritime, le sapin, le chêne vert, le chêne blanc, le hêtre, l’érable, le bouleau, etc. Elles sont distribuées d’une manière à peu près uniforme, chacune d’elles restant confinée dans les régions qui lui conviennent le mieux. Quand du fond de la vallée, où roule au milieu des roches un torrent en délire, on s’élève vers le sommet, on rencontre d’abord les plus maritimes et les plus laricios, les premiers sur le versant méridional, les seconds sur la pente exposée au nord; ils forment des massifs tantôt purs, tantôt mélangés de chênes verts et de chênes-lièges. Au-dessus des pins se montrent les hêtres, puis viennent les sapins et les bouleaux, seuls arbres qui puissent supporter la froide température des grandes hauteurs et résister aux neiges qui les couvrent pendant l’hiver. Au-delà, on n’aperçoit plus que quelques arbrisseaux, tels que l’aulne rampant et le genévrier des Alpes, qui eux-mêmes cèdent bientôt la place aux simples graminées. La crête est le plus souvent couronnée par la roche nue, dont la teinte d’un brun grisâtre reste terne même sous les feux d’un soleil presque perpendiculaire. Quand d’un point élevé vous promenez votre regard sur le paysage qui vous entoure, vous n’apercevez ni les vallées au fond desquelles gronde le torrent, ni les forêts qui en tapissent les flancs; aucune échappée ne réjouit votre œil arrêté par un horizon de rochers tachetés çà et là de noirs maquis. Et quand avec cela le ciel sans nuages déploie sur votre tête son implacable azur, vous vous sentez envahi par une tristesse invincible. Dans la partie orientale cependant, le paysage est moins désolé; la roche s’y colore parfois de teintes rosées, l’horizon s’élargit et laisse apercevoir dans le lointain la mer qui baigne les rivages de l’Ausonie, Ausonia tellus.

Les forêts ne sont peuplées que d’un très petit nombre d’animaux sauvages. Le loup y fait absolument défaut, car l’île est trop petite pour ses jarrets infatigables. Faisant soixante ou quatre-vingts lieues d’une seule traite, il n’est à l’aise que quand il a devant lui des espaces sans limites, et ne saurait se contenter d’un domaine dont il pourrait faire le tour en une seule nuit. En revanche, on rencontre quelques renards. Les herbivores ne sont guère représentés que par le lièvre et le moufflon. Le premier ne diffère en rien de celui de nos pays. Quant au second, il est parti-