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thiques ni trop onéreux, il avait assuré l’accroissement de ses ressources.

Grâce à tant de soins et d’efforts, il eut enfin la satisfaction de présenter à la chambre des communes, le 19 avril 1790, un budget en parfait équilibre. « Les revenus, dit-il dans son exposé, avaient confirmé toutes ses espérances. En 1786, ils avaient été évalués à 15,500,000 livres sterling, et l’opposition avait trouvé ce chiffre exagéré. Cependant ils avaient atteint promptement celui de 15 millions 3/4, et dans le dernier exercice ils s’étaient élevés à 16 millions l/4, laissant dans l’échiquier un excédant disponible de 621,000 livres sterling. Les documens déposés sur le bureau en faisaient foi, et les services de l’année étaient parfaitement assurés sans qu’il fût nécessaire de recourir ni à un emprunt ni à de nouvelles taxes. De plus, les commissaires de l’amortissement avaient dans les quatre dernières années racheté un capital de 5 millions de rentes 3 pour 100. Une pareille situation était donc des plus avantageuses, et le pays n’en avait jamais connu de semblable. Il la devait sans aucun doute à sa constitution, à son caractère national, et les progrès incessans de son commerce, de son industrie, de sa population, de la richesse publique, ne permettaient pas de douter qu’elle s’améliorerait encore. » Cet exposé fut accueilli avec acclamation par le parlement, et la supériorité de Pitt sur tous ses rivaux, comme orateur et homme d’état, ne pouvait plus être contestée. Lord Stanhope cite à ce sujet l’opinion d’un témoin oculaire, sir Charles Rigby, un des doyens du parlement à cette époque. « Je n’ai aucune partialité pour Pitt, écrivait-il, et cependant je dois dire qu’il est infiniment supérieur à tout ce que j’ai vu jusqu’à ce jour dans la chambre. Je déclare que Fox, Sheridan et tous leurs amis ensemble ne sont rien auprès de lui. Sans aucune aide, sans aucune assistance, il répond à tous avec une facilité merveilleuse, et ils sont devant lui ce qu’est une paille devant le vent : they are just chaff before the wind to him. »

De son côté, le roi, voulant reconnaître ses éminens services, lui offrit l’ordre de la Jarretière, distinction qui depuis 1688 n’avait été accordée à aucun membre de la chambre des communes. Aussi modeste que désintéressé, Pitt refusa cette haute récompense, déclinée plus tard, à son exemple, par Robert Peel. Ce n’est pas du reste seulement en Angleterre que sa situation était grande ; son nom était également honoré en Europe. A la suite d’une mauvaise récolte, le gouvernement français, craignant que les embarras d’une disette ne vinssent aggraver les périls dont il était déjà environné, s’adressa au gouvernement anglais pour lui demander la faculté d’exporter d’Angleterre vingt mille sacs de farine destinés à l’approvisionne-