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raineté, de commerce et de navigation sur les territoires, côtes et mers de cette partie du Nouveau-Monde. Cette prétention ayant été déclarée inadmissible par le cabinet anglais, les bâtimens de la marine espagnole avaient été réunis à Cadix et au Ferrol, et l’Espagne semblait se préparer à la guerre.

Aussi longtemps que Pitt avait pu espérer terminer le différend à l’amiable, la négociation était restée secrète; mais le mystère n’était plus possible : il fallait procéder à des arméniens, et à cet effet obtenir des subsides. En conséquence, ordre fut donné par la presse d’embarquer les matelots sur les bâtimens de l’état, et le 5 mai un crédit de 1 million de livres fut demandé au parlement. Fox ne manqua pas de faire observer que lorsque le premier ministre, dans l’exposé du budget, avait quelques jours auparavant célébré la prospérité du pays, la bonne situation des finances et la probabilité d’une paix durable, il connaissait sans aucun doute les arméniens de l’Espagne, et devait prévoir une rupture prochaine avec cette puissance. Il n’en approuva pas moins les mesures prises, et le crédit fut accordé à l’unanimité.

Bien que désireux de rester en paix avec l’Espagne, le gouvernement anglais dut cependant se préparer à la guerre, et dans cette circonstance l’énergie belliqueuse de Chatham parut revivre dans son fils. Des troupes furent rassemblées, une flotte puissante fut mise en état de prendre la mer, et on réclama de la Prusse et de la Hollande les secours que les traités d’alliance récemment conclus avec elles les obligeaient à fournir. Pendant qu’on poursuivait ces préparatifs avec autant de célérité que de vigueur, les négociations continuaient avec l’Espagne, qui, ayant cru jusqu’alors pouvoir compter sur la France, avait maintenu ses prétentions pleines et entières; mais les progrès que la révolution faisait dans ce dernier pays ne lui laissèrent bientôt plus d’espoir de ce côté. Aussi, en présence des armemens considérables faits par l’Angleterre, à la veille d’entreprendre seule une lutte inégale contre une coalition de trois puissances, la cour de Madrid se décida à accorder les satisfactions réclamées, et une convention fut signée le 28 octobre 1790.

C’était là un éclatant succès, et, ce qu’il y avait de mieux, un succès pacifique dû à l’habileté et à l’énergie du premier ministre. La nouvelle en fut reçue avec joie dans tout le royaume, et les principales villes s’empressèrent d’envoyer au roi des adresses de félicitation. L’effet fut grand aussi en Europe, et M. Eden, devenu lord Auckland, alors ambassadeur à La Haye, écrivait à ce propos : « Je suis convaincu que si nous eussions montré moins de fermeté et d’activité, ou que si même notre flotte ne s’était pas trouvée dans l’état