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versifs qu’on voulait lui imposer par la force des armes. Wyndham conclut donc en déclarant qu’il donnait sans réserve son adhésion à la motion du premier ministre.

De ce jour date la scission définitive qui depuis quelque temps déjà se préparait dans les rangs de l’opposition. Une partie de ses membres, — parmi lesquels on comptait le duc de Portland, jusqu’alors chef du parti whig, les lords Spencer, Longhborough, Fitzwilliam à la chambre des lords, Burke, Wyndham dans celle des communes, — n’avaient cessé de voir avec inquiétude les événemens qui depuis quelques années s’étaient succédé en France, l’action des masses populaires, et le développement rapide des idées démagogiques. Ils redoutaient la propagation en Europe des passions révolutionnaires, auxquelles la convention nationale faisait incessamment appel, et les symptômes qui s’en étaient déjà manifestés dans quelques villes d’Angleterre leur causaient de sérieuses appréhensions. Sans renoncer plus que Pitt et la majorité de ses amis au culte qu’ils professaient pour les institutions libérales de leur pays, ils crurent que, parmi les principes qui étaient la base essentielle de la constitution anglaise, le principe d’autorité étant alors le plus menacé, il importait surtout de le fortifier et de le défendre. Ils craignaient également que l’esprit de conquête qui s’était emparé de la nation française ne détruisît, s’il n’était pas énergiquement combattu, un équilibre nécessaire à la sécurité de l’Europe, et que l’agrandissement de la France ne fût un péril pour l’indépendance et l’influence de l’Angleterre. Ils se rangèrent donc au parti du gouvernement et de la résistance par esprit de conservation. Fox, lord Shelburne, Sheridan, lord Grey, lord Lauderdale au contraire, tout en déplorant les excès de la révolution française, les considéraient comme la conséquence à peu près inévitable d’une grande crise. Cette révolution avait toutes leurs sympathies parce qu’ils espéraient qu’en donnant partout une impulsion puissante à l’opinion libérale, elle aurait pour résultat de substituer des gouvernemens libres aux pouvoirs absolus, et sous l’empire de ce sentiment ils continuèrent une lutte célèbre dans les annales parlementaires. Quelques jours après, le 1er février 1793, la France dénonçait les hostilités à l’Angleterre et à la Hollande. Après avoir vu comment Pitt mit à profit neuf années de paix pour restaurer les finances de son pays, il reste à examiner les moyens par lesquels il parvint à satisfaire aux nécessités d’une guerre générale, dont l’Angleterre eut presque seule à supporter tous les frais.


A. CALMON.