Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 51.djvu/556

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Rhin et firent la conquête de la Hollande. Sur mer, le drapeau anglais fut plus heureux. L’amiral Hood prit possession de l’île de Corse, dont les habitans avaient réclamé le concours de l’Angleterre pour se délivrer des Français. L’amiral Jervis s’empara de la Martinique et de Sainte-Lucie. L’amiral Howe défit une flotte de vingt-six bâtimens de ligne, sortie du port de Brest, sous les ordres de l’amiral Villaret-Joyeuse, pour protéger l’arrivée d’un convoi considérable chargé de blé et venant d’Amérique. Néanmoins ces succès, quelque flatteurs qu’ils fussent pour l’amour-propre national, ne pouvaient compenser les revers éprouvés sur le continent, et d’ailleurs, par suite de la conquête de la Hollande par Pichegru, presque tous les frais de la guerre allaient retomber à la charge de l’Angleterre. En effet, ainsi que l’avait prévu Fox, l’Autriche, découragée aussi par sa défaite, désespérant de recouvrer la Belgique, avait menacé à son tour de se retirer de la lutte, et pour conserver sa coopération le gouvernement anglais avait dû contracter pour elle, en le garantissant, un emprunt de 4,600,000 liv. sterl. Pitt devait donc s’attendre à de vives attaques dans le parlement, et il avait fortifié sa position ministérielle, depuis la dernière session, par l’entrée dans le cabinet du duc de Portland, de lord Spencer, de lord Fitz-William et de Windham, en s’assurant ainsi le concours de la portion dissidente du parti whig dont ils étaient les chefs.

Le discours de la couronne fut des plus belliqueux : le roi déclara qu’il fallait redoubler d’efforts, et qu’alors seulement on arriverait à obtenir une paix durable et à délivrer l’Europe du plus grand danger qui l’eût menacée depuis qu’il y existait une société civilisée. Dans la discussion de l’adresse, Wilberforce demanda que le gouvernement fût invité à entamer des négociations de paix sur des bases honorables pour l’Angleterre, mais acceptables aussi par la France. Cette motion fut soutenue par Canning, qui insista sur le changement de régime survenu en France depuis le 9 thermidor; mais Pitt répondit que le système révolutionnaire du nouveau comité de salut public était le même que celui de l’ancien, et qu’il n’y aurait pas plus de sécurité à traiter avec ses membres qu’avec Brissot et Robespierre. Il exprima la conviction que le rétablissement du régime monarchique en France devait seul assurer la tranquillité de l’Europe, en ajoutant toutefois que dès qu’il serait possible de faire avec le gouvernement républicain une paix sûre et avantageuse, il serait le premier à conseiller au roi de la conclure. La motion de Wilberforce fut rejetée, mais avec une minorité double de celle que l’opposition avait pu réunir jusqu’alors. En conséquence, le parlement adhéra à toutes les demandes qui lui furent faites