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née au bilan de la banque, en constatant de la façon la plus authentique sa solvabilité, dissipa les dernières inquiétudes. Il fut établi en effet qu’indépendamment de sa créance permanente sur l’état de 11,686,000, son actif étant de 17,500,298, son débit de 13,770,390, la balance en sa faveur était de 3,826,900. Son crédit redevint donc bientôt aussi grand qu’il avait jamais été. En 1798, elle reprit le paiement en numéraire de tous les billets de 5 livres sterling et au-dessous, mais la suspension pour ceux au-dessus fut maintenue jusqu’en 1821.

Un juge compétent, M. Rose, secrétaire de la trésorerie pendant l’administration de Pitt, attribue cette crise monétaire bien plus aux inquiétudes privées qui portèrent chacun à ramasser et à cacher les espèces qu’à l’exportation qu’on en fit. Selon lui, les divers besoins auxquels il avait fallu pourvoir dans les différentes parties du monde depuis le commencement des hostilités se montaient à 41 millions de livres sterling, y compris les prêts et subsides; mais l’exportation des marchandises anglaises ayant pris un développement considérable, et pendant les quatre dernières années la balance de commerce au profit de l’Angleterre ayant dépassé 25 millions de livres sterling, il y avait eu seulement à couvrir une insuffisance de 15 millions. D’ailleurs, l’exportation du numéraire étant prohibée sous les pénalités les plus sévères, il n’avait pu en sortir par contrebande qu’une quantité restreinte; en effet, sur les 8 millions de livres sterling d’espèces monnayées ou lingots importés en 1797 et 1798, 70,000 seulement étaient en guinées, et il fut facile de reconnaître d’après l’alliage des lingots qu’aucun d’eux ne provenait de la fonte des monnaies anglaises. Enfin, à mesure que l’inquiétude se calma et que revint la confiance, les espèces reparurent; d’immenses sommes furent apportées à Londres de tous les comtés, et à la fin de l’année 1798 on évaluait à 44 millions de livres sterling le numéraire qui pouvait se trouver dans le royaume.

Sans contester les appréciations de M. Rose, nous croyons cependant qu’une seule des deux causes n’aurait pu produire la crise monétaire, et que les deux combinées l’amenèrent. L’exportation des espèces, peu importante peut-être par la contrebande, mais qui l’était davantage par la nécessité de solder les subsides et dépenses de guerre que la balance du commerce ne suffisait pas à acquitter, fit dans la circulation un vide considérable ; par suite, les espèces furent plus recherchées et plus soigneusement conservées dans les bourses particulières. Arrivèrent les craintes d’invasion, et alors chacun cacha ce qu’il avait, voulut réaliser ce qui lui était dû, et, la frayeur des uns se communiquant aux autres, la panique devint générale. Une fois qu’elle fut passée, les capitaux sortirent de