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che que suivraient les événemens. La chancellerie impériale veillait de son côté. Cette succession mettait en émoi toutes les cours du nord. L’électeur de Saxe, investi du protectorat de la Courlande, à titre de roi de Pologne, avait dû songer l’un des premiers à ne pas laisser briser des liens qui pouvaient être un jour si précieux ; pourquoi ne pas les resserrer au contraire? Nous voyons en effet dès l’année 1711, c’est-à-dire au lendemain de la mort du duc Frédéric-Guillaume, quand le dernier des Kettler monte sur le trône sans avoir l’espérance de laisser d’héritiers, nous voyons un diplomate saxon, M. de Vitzthum d’Eckstadt, envoyé auprès du tsar pour une mission toute différente, profiter de son passage en Courlande et sonder à ce sujet les dispositions des états.


« Ayant traversé dernièrement la Courlande, écrit-il de Riga au roi de Pologne le 10 décembre 1711, j’ai mis l’occasion à profit pour interroger quelques membres des états sur l’avenir du duché. Quelles seraient leurs intentions, quelles mesures comptaient-ils prendre, dans le cas où le duc aujourd’hui régnant mourrait sans héritiers? Voilà ce que j’ai tâché de savoir. J’ai appris alors que leurs privilèges, en pareil cas, leur donnaient le droit d’élire un successeur au trône, du vivant même du prince régnant, pourvu qu’ils eussent à la fois et le consentement du prince et l’approbation de votre majesté. Ils étaient donc résolus à provoquer cette élection avant la mort du duc Ferdinand, car ce droit des états, pour avoir sa valeur, devait être exercé du vivant même du prince ; sinon, d’après la loi constitutive, le duché de Courlande serait incorporé à la Pologne et divisé en voïvodies. J’ai essayé de savoir à quels candidats ils avaient songé ; la question les embarrassa, et je vis bien qu’ils n’avaient pas encore réussi à se mettre d’accord. Je finis cependant par apprendre qu’il avait été question déjà de deux compétiteurs, le prince héréditaire de Hesse-Cassel et le margrave Albert. Le premier est proposé par le duc Ferdinand en personne; mais on ne croit pas que les états puissent le nommer, puisqu’il appartient à la religion réformée et non à l’église luthérienne, comme l’exige le pacte fondamental. Le second plairait à un certain nombre des seigneurs, à ceux dont le chef est M. de Keyserling, et ce qui le recommande à ces messieurs, c’est qu’il est marié à une princesse de la maison de Courlande, Marie-Dorothée, fille du duc Frédéric-Casimir ; seulement on paraît croire que les états seront d’un autre avis, craignant ajuste titre qu’un margrave de Brandebourg ne soit complètement sous la dépendance du roi de Prusse, et que le nouveau duc, avec l’aide du roi, ne détruise leurs privilèges. Quelques autres, en petit nombre il est vrai, dont le chef de file est le général de Renne, se montrent favorables au prince Menschikof, qui depuis longtemps déjà travaille sous main à cette affaire; mais n’est-il pas évident qu’ils auront contre eux tous les électeurs fidèles au sentiment de la patrie? Élire le prince Menschikof, ne serait-ce pas se mettre sous le joug moscovite? Quelques seigneurs, entre autres le colonel de Brink, dont la famille est puissante en ce pays, m’ayant prié de leur ouvrir toute ma pensée, je leur donnai à entendre qu’aucun des personnages dont on venait de pro-