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princesse Sapiéha, et il était tout prêt à se remarier pour gagner une couronne. «Nous trouvons dans nos archives, dit M. de Weber, un mémoire qui présente l’allaire comme ayant des chances de succès, à la condition que le secret soit bien gardé, et qu’on trouve le moyen d’y intéresser le tsar Pierre et ses favoris. » Obtenir la faveur du tsar, c’eût été pour Flemming trahir le roi son maître ; mais le comte de Saxe nous a dit que toutes les voies étaient bonnes à l’ami de Frédéric-Auguste, pourvu qu’elles le menassent à ses fins. Les chances diminuèrent, à ce qu’il parait; Flemming n’était pas homme à perdre son temps et sa peine en des intrigues qui deviennent périlleuses dès qu’elles sont inutiles; il demeura fidèle à son bienfaiteur.

Cette campagne du comte de Flemming ou du moins ces préparatifs d’une entrée en campagne sont de l’année 1720; précisément à cette date, les candidatures se multiplient : princes, ducs, margraves, cadets de familles souveraines, ils sont tous amoureux d’Anna Ivanovna. On pourrait en faire un dénombrement homérique. Voici le prince Charles de Prusse, appuyé par le cabinet de Berlin ; voici le prince Charles-Alexandre de Wurtemberg qui tâche d’intéresser à sa cause le comte Iagushinski, ministre de Russie à la cour de Vienne : le comte lagushinski reçoit les présens du prince, mais c’est tout ce qu’il peut faire pour son service. Que de scènes du même genre, si on avait les secrets de toutes ces intrigues! Voici le jeune landgrave de Hesse-Hombourg, celui-là même que le tsar Pierre fit venir à Saint-Pétersbourg en 1723 pour l’examiner, et, si l’examen était satisfaisant, lui donner en mariage sa propre fille, Anna Petrovna; on sait que l’examen tourna contre le jeune prince, et qu’il ne fut pas plus heureux auprès d’Anna Petrovna en 1723 qu’il ne l’avait été en 1721 auprès d’Anna Ivanovna. Voici encore un prince d’Anhalt-Zerbst, Jean-Frédéric, qui fait demander au roi de Pologne en 1724 s’il peut se mettre sur les rangs sans déplaire à sa majesté, et qui, découragé par la réponse du roi, se résigne à garder le silence. Enfin en 1725, au moment où Pierre le Grand vient de mourir, soit que la disparition d’un tel personnage laisse un jeu plus libre aux diplomates, soit que des circonstances fortuites aient déterminé leur action, un représentant de Frédéric-Auguste à la cour de Russie, Lefort, jette un appel soudain à Maurice de Saxe, et Maurice, qui attend les aventures, va s’y précipiter à corps perdu.

Anna Ivanovna se trouvait à Saint-Pétersbourg au mois de septembre 1725. Un jour, dans une conversation intime, comme il était question de son mariage et de ses prétendans, une dame de ses amies lui parla de Maurice de Saxe. Anna répondit par un grand éloge de la maison de Saxe et des paroles fort dures pour la famille