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Il était temps que le nouveau duc eût le droit de parler et d’agir. Un jour, après la clôture des travaux de la diète, on vit arriver à Mitau le prince Vassili Dolgorouki, se disant ambassadeur de l’impératrice Catherine, et muni en effet d’un écrit impérial qui lui ordonnait de faire « des représentations » aux conseillers et capitaines de la noblesse « sur des événemens qui concernaient la prospérité, le salut même des duchés de Courlande et de Sémigalle. » Le 8 juillet, les conseillers étant rassemblés, le prince leur enjoignit de faire notifier dans toutes les paroisses aux membres de la diète récemment tenue à Mitau l’ordre de revenir au plus tôt dans la capitale pour casser l’élection du comte de Saxe et se choisir un duc parmi les candidats que leur proposait l’impératrice. À ces conditions, sa majesté leur promettait de ne pas leur retirer sa faveur, toute résistance au contraire entraînerait des suites funestes; la Courlande, partagée entre les états voisins, serait rayée de la carte. Les candidats proposés par Catherine étaient le duc Adolphe-Frédéric de Holstein-Glucksbourg, le landgrave George de Hesse, et surtout, au premier rang, le prince Menschikof.

À ces incroyables insolences les conseillers courlandais, d’accord avec Maurice, se contentèrent d’opposer une impassibilité dédaigneuse. Irrité d’avoir déployé en vain tout cet appareil, Dolgorouki court à Riga, où Menschikof l’attend. Anna Ivanovna s’y rend de son côté, accompagné d’un seul serviteur et n’ayant que trois dragons pour escorte. Elle pense que le rapport de Dolgorouki va déterminer Menschikof à envahir immédiatement la Courlande, et elle espère le fléchir par ses prières. Vain espoir! dès le premier mot, elle comprend qu’il n’y a rien à tenter auprès de l’arrogant favori de Catherine, et elle se hâte de revenir à Mitau pour y protéger Maurice par sa présence. Menschikof la suit de près; il arrive le soir du 10 juillet avec une suite d’environ trois cents cavaliers. Il descend chez l’ambassadeur russe, M. de Bestuchef, et soixante dragons montent la garde à la porte de l’hôtel. Ces trois cents hommes étaient comme l’avant-garde de l’armée annoncée par Sentrovicz; mais Maurice ne s’émeut pas, il a aussi ses troupes sous la main, cette aventure lui plaît, et en vrai gentilhomme il demande l’honneur d’aller saluer le prince en son hôtel. L’entrevue des deux rivaux eut lieu le 11 juillet. Douze carrosses, car les chefs de la noblesse courlandaise avaient tenu à lui faire cortège, — douze carrosses de gala conduisirent Maurice et ses amis à l’hôtel Bestuchef. Maurice fut reçu au pied de l’escalier par les aides de camp et conduit auprès du prince, avec lequel il eut un long entretien. Le résumé de ce qui fut dit entre eux, nous le trouvons dans les lettres mêmes de Maurice. Voici ce qu’il écrit au comte de Manteuffel : « Il me serait difficile de vous exprimer tout ce que j’ai trouvé d’obsti-