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en toilette de printemps aux applaudissemens de ses collègues. Il a montré, en parlant des affaires de Chine, qu’il n’a rien perdu de la verdeur de son esprit. Son absence a cependant porté un sérieux dommage au cabinet qu’il dirige. Le voyant malade, on a pensé à son grand âge, et parmi ses collègues et au sein du parti libéral on s’est mis à songer à l’avenir. Qu’arriverait-il, si lord Palmerston venait à cesser d’être le chef du cabinet? L’union des whigs et des radicaux, qui forme la majorité actuelle, subsisterait-elle? A qui, dans le parti libéral, donnerait-on la place de premier ministre? On devisait ainsi sur l’avenir; les prudens parlaient d’un replâtrage, de la possibilité de marcher quelque temps encore en investissant lord Clarendon des fonctions de premier, lorsque M. Gladstone, d’un coup d’aile, a mis en poussière les combinaisons vermoulues dont s’entretenaient les vieux whigs, et a pris une position indépendante et hautaine qui semble devoir changer prochainement dans le parlement anglais les relations des partis. A propos d’une motion de réforme électorale présentée par M. Baines, M. Gladstone, à l’improviste, dans un discours véhément, a pris en main la cause d’un abaissement radical du cens. Ce qui a le plus blessé l’instinct conservateur anglais dans cette échappée de M. Gladstone, c’est que le grand orateur a traité la question électorale non à l’anglaise, en balançant des chiffres et en faisant des cotes mal taillées, mais à la française, en mettant en avant des principes et un dogmatisme absolus. Dans le monde qui fait et soutient les cabinets, M. Gladstone, par cet élan démocratique, a compromis ses chances futures ; il n’est plus pour les vieux whigs qu’un objet d’animadversion, et il n’est plus que le premier et le plus grand des radicaux. Aussi bien M. Gladstone a-t-il voulu peut-être donner à entendre aux whigs exclusifs qu’avec un talent qui a fait la fortune et l’éclat du présent ministère il ne lui convient point, si lord Palmerston faisait défaut, de se soumettre à la direction d’une médiocrité aristocratique. Cette nouvelle attitude de M. Gladstone avancera peut-être la chute du cabinet et le retour des tories au pouvoir; elle montre en effet que l’union des whigs et des radicaux n’est plus durable et rapprochera du parti tory un certain nombre de membres de l’aristocratie whig. Le manifeste du chancelier de l’échiquier donnera aussi une physionomie animée à la campagne qui va commencer pour les élections générales, qui auront lieu l’année prochaine.

Mais que sont ces épisodes de la vie politique anglaise auprès de l’effroyable lutte qui se poursuit aux États-Unis, et dont les terribles incidens viennent effrayer l’Europe? Du moins semble-t-il permis aujourd’hui d’espérer que l’on touche à la crise extrême de cette guerre civile. Les forces de l’Union, sous la direction du général Grant, attaquent en ce moment l’armée confédérée de Virginie avec une énergie digne de celle de leurs adversaires. Grant a montré dans le début de cette campagne une. résolution et une opiniâtreté auxquelles les précédens généraux en chef de l’Union ne nous avaient point accoutumés. Ce général taciturne, ennemi