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trop bien les justifier. La mère de Flandrin a assez vécu pour être, presque jusqu’au bout, témoin des succès de son fils. Elle en a joui, sans avoir à se repentir pour cela des anciennes méfiances de sa tendresse, sans pouvoir se reprocher une erreur où elle avait lu autrefois son devoir, et dont ce fils, pieux et juste envers elle, ne s’est jamais vengé d’ailleurs que par un surcroît de respect.

On se méprendrait fort au surplus si l’on attribuait aux premiers essais de Flandrin une signification en rapport avec les caractères des travaux qui ont suivi. En condamnant au métier d’ouvrier en soie le futur peintre des grandes scènes évangéliques, il semblait qu’on ne courait le risque de supprimer en germe que le talent d’un dessinateur de vignettes, d’un imitateur d’Horace Vernet et de Charlet. Pendant toute son enfance en effet et même dans les premières années de sa jeunesse, Hippolyte Flandrin ne manifesta guère d’autre inclination pittoresque qu’un goût très vif pour les uniformes, pour les épisodes de la vie du soldat en campagne ou en garnison. Les heures que les enfans de son âge passaient sur les bancs d’une école, il les donnait tout entières, lui et son frère Paul, à la contemplation des régimens en marche ou réunis pour la parade, à l’étude ingénument zélée de tout ce que pouvait enseigner la caserne ou le champ de manœuvre ; puis, le soir venu, tous deux, s’aidant mutuellement de leurs souvenirs, s’appliquaient à retracer sur le papier les belles choses qu’ils avaient vues, à moins que quelque lithographie, expédiée de Paris et tombée par hasard entre leurs mains, ne devînt pour eux un modèle plus précieux encore et plus attentivement consulté. Les scènes militaires, tantôt graves, tantôt héroï-comiques, où l’expression d’une certaine originalité enfantine se combinait ainsi avec l’imitation des maîtres du genre, n’avaient pas tardé à procurer aux « petits Flandrin » un commencement de notoriété : le tout à la grande joie du père de famille, dont ces modestes succès semblaient déjà justifier les espérances. La mère des deux enfans en jugeait tout autrement, nous l’avons dit : aussi ne fallut-il pas moins, pour vaincre sa résistance, que l’intervention d’un artiste doublement recommandé à ses yeux par la situation qu’il occupait alors et par l’humilité du point d’où il était parti.

Le sculpteur de Spartacus, Foyatier, se trouvait à Lyon en 1821. Dix-huit ans auparavant, il avait reçu dans cette ville les premières leçons de son art, lorsque du village où il gardait les troupeaux il était venu s’offrir comme apprenti à un fabricant de statuettes pour les communautés religieuses. Établi maintenant à Paris, où il s’était fait un nom parmi les artistes et qu’il avait momentanément quitté pour se rendre en Italie, riche de quelques travaux