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LES ORIGINES
ET
LES TRANSFORMATIONS
DE LA LANGUE FRANÇAISE
A PROPOS DU DICTIONNAIRE DE M. E. LITTRÉ[1].

On aurait beaucoup surpris les Athéniens, si on leur avait dit : Les peuples asiatiques, ceux que vous qualifiez de barbares, appartiennent à la même race que vous, et leur langue grossière a la même origine que votre idiome, si sonore et si parfait. — Et celui qui serait venu dire en pleine Académie, il y a un demi-siècle : Notre langue, que tout le monde admire en Europe, n’est qu’un assemblage de mots plus ou moins frustes, que le temps a polis, comme les cailloux que les vagues de la mer arrondissent à force de les rouler; ils ont mis plus de deux mille ans à venir des bords de la Mer-Caspienne jusque dans vos livres! — celui-là n’eût-il pas causé un véritable scandale au sein de l’illustre compagnie? Cette double assertion n’en est pas moins vraie, les études philologiques l’ont prouvé surabondamment. On connaît aujourd’hui les origines des idiomes modernes; on sait d’où ils viennent et par où ils ont passé avant d’arriver dans les pays où nous les trouvons fixés aujourd’hui. Aucun d’eux ne peut se vanter d’être primitif; ils sont tous sortis de la Haute-Asie, patrie première des peuples en apparence si divers qui se sont répandus sur la surface du globe. En effet, l’Asie n’est-elle pas le berceau des langues--

  1. In-4°; librairie Hachette.